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samedi 5 janvier 2013

Nous devons être en position de défendre l'existence de la Syrie ».

de 2012 : le viol de la Syrie.
Photos "exclusives" du camp d'entraînement Al Fateh des Ansar al-Jebhat al-Nusra li-Ahl al-Sham,  les Partisans du Front de la victoire pour Al Sham (ancien nom de la Syrie), postées sur li site islamiste Shumukh al-Islam Network, fin octobre 2012. Cliquez sur les photos pour les agrandir.


De la même manière que je relis de temps en temps mes passages préférés d'Hemingway, ces derniers temps j'ai re-visionné quelques images du souk d'Alep - le plus extraordinaire de tous les souks du Moyen-Orient - que j'ai tournées il y a des années. C'est comme si on m'avait tiré dans le dos ; j'adorais autant son architecture que ses gens et ses commerçants. Il y a des semaines, la majeure partie de ce souk - le poumon d'Alep pendant des siècles - a été incendiée et détruite par les « rebelles » de la soi-disant Armée Syrienne Libre (ASL).
Dans cette tragédie syrienne, il n'y a pas de jeune héros comme dans Hemingway, pas de Robert Jordan dans les Brigades Internationales qui combattaient aux côtés des guérilléros républicains contre les fascistes durant la Guerre Civile espagnole. Dans la guerre civile syrienne, les brigades internationales sont essentiellement constituées de mercenaires salafistes-djihadistes, adeptes de la décapitation et des attentats-suicides à la voiture piégée. Et les (quelques) jeunes USAméricains sur place sont essentiellement des agents high-tech dans une partie jouée par le club rapace OTANCCG (l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord et ses marionnettes arabes du Conseil de Coopération du Golf).

La tragédie continue. L'Etat syrien et son appareil politique et de sécurité militaire maintiendront leurs mini-blitzkriegs - sans le moindre état d'âme pour les « dommages collatéraux ». Dans le camp opposé, les chefs « rebelles » parieront sur un nouveau Conseil Militaire Suprême encouragé par les Saoudiens et les Qataris.

Les salafistes et les salafistes-djihadistes du Front al-Nousra - des fanatiques du VIIe siècle, fervents de la décapitation et des attentats-suicides, qui mènent l'essentiel des combats - n'étaient pas invités. Après tout, le Front al-Nousra a été qualifié d' « organisation terroriste » par Washington.

A présent, examinez la réaction d'une grosse légume des Frères Musulmans, le contrôleur des finances adjoint Mohammed Farouk Tayfour, originaire de Hama ; il a dit que cette décision était « trop précipitée ». Et examinez la réaction du nouveau dirigeant de l'opposition syrienne, Ahmed Moaz al-Khatib, lors d'une réunion des « Amis de la Syrie » au Maroc : cette décision doit être « réexaminée ». Pratiquement tous les groupes « rebelles » ont déclaré publiquement leur flamme pour les durs d'al-Nousra.

Donc, avec les fanatiques d'al-Nousra qui cachent probablement leurs barbes islamiquement correctes sous une prosaïque cagoule, il faut s'attendre à beaucoup d'autres avancées « rebelles » sur Damas - malgré deux raclées majeures (essuyées en juillet dernier et ce mois-ci) grâce aux contre-offensives du gouvernement syrien. Après tout, l'entraînement prodigué par les Forces Spéciales US, britanniques et jordaniennes doit générer quelques résultats, sans mentionner les cargaisons d'armes encore plus létales fournies par ces parangons de la démocratie du Golfe Persique. Soit dit en passant, le Front al-Nousra contrôle des quartiers entiers d'Alep dévastée.
La haine sectaire règne en maître
Ensuite, il y a la toute nouvelle Coalition Nationale orwellienne des Forces Syriennes d'Opposition et Révolutionnaires - une coproduction Washington/Doha. Rencontrez le nouveau patron, identique à l'ancien patron (minable), qui était le Conseil National Syrien (CNS). C'est juste de la rhétorique ; la seule chose qui compte pour la « Coalition Nationale » est d'obtenir plus d'armes létales. Et ils adorent al-Nousra, même si Washington ne l'aime pas.

Le Qatar a déchargé des tonnes d'armes « comme des bonbons » (selon la formule d'un marchand d'armes US) dans la Libye « libérée ». Ce n'est qu'après le retour de manivelle de Benghazi que le Pentagone et le Département d'Etat se sont réveillés en comprenant que l'armement des rebelles syriens pourrait bien ouvrir la voie à d'autres déculottées. Traduction : le Qatar continuera à décharger des tonnes d'armes en Syrie. Les USA continueront à «tirer les ficelles».

Attendez-vous à plus de massacres sectaires horribles comme celui qui s'est déroulé à Aqrab.[Ici, vous trouverez la version la mieux informée de ce qui s'est passé à Aqrab (en anglais)] Cela prouve une fois encore que la guerre que les « rebelles » de l'OTANCCG sont en train de gagner, c'est la guerre sur YouTube. Attendez-vous donc à des vagues plus massives et incessantes de manipulation et de propagande - avec les grands médias occidentaux vantant et soutenant les « combattants de la liberté » syriens, sans commune mesure avec leur soutien au Djihad des années 1980 en Afghanistan.

Attendez-vous à plus de distorsions majeures du contexte, comme lorsque le vice-ministre russe des Affaires étrangères a dit : « Les combats vont s'intensifier et [la Syrie] perdra des dizaines de milliers et, peut-être, des centaines de milliers de civils. [.] Si un tel prix pour déposer le président vous semble acceptable, qu'y pouvons-nous ? Bien sûr, Pour notre part, nous considérons bien sûr cela comme absolument inacceptable. »

Par conséquent, la Russie essaye de tout faire pour empêcher que cela se produise. Et si les « rebelles » de l'OTANCCG mettent à exécution leurs menaces d'attaquer les ambassades russe et ukrainienne à Damas, ils feraient bien de tondre leurs barbes et de de se mettre à l'abri des Spetnatz - les Forces spéciales russes (qui ne rigolent pas !).

Attendez-vous à plus de haine sectaire, comme avec le Cheikh sunnite et vedette d'al-Jazeera, Youssouf al-Qaradawi, qui a nonchalamment émis une fatwa légitimant le massacre de millions de Syriens, qu'ils soient militaires ou civils, tant qu'ils sont alaouites ou chiites.

La haine sectaire règnera en maître, avec le Qatar à sa tête, suivi par les Saoudiens aux portefeuilles bien garnis et les islamistes jusqu'au-boutistes assortis. Ordre du jour : guerre contre les Chiites, les Alaouites, les laïques, et même contre les modérés, non seulement en Syrie mais dans tout le Moyen-Orient.
L'opposant syrien Haytham al-Maleh, (g.), félicite le prêcheur islamiste Moaz al-Khatib après sa nomination comme président de la "Coalition nationale syrienne des forces d'opposition et révolutionnaires", à Doha, Qatar, le 11 novembre 2012. Photo Osama Faisal/AP
Face-à-face Patriot contre Iskander
La nouvelle stratégie de l'Armée syrienne se résume à un retrait majeur des villages et des bases isolées, en concentrant ses troupes dans les grandes villes.

Attendez-vous à ce que la stratégie d'ensemble du club OTANCCG reste plus ou moins la même : enliser l'Armée syrienne dans autant de zones que possible, la démoraliser et continuer à préparer le terrain pour une possible intervention de l'OTAN (le battage autour des armes chimiques et les chicaneries incessantes à propos d'une « catastrophe humanitaire » font partie du package des opérations psychologiques).

L'Armée syrienne a peut-être les armes lourdes, mais lorsqu'elle est confrontée à un tsunami de mercenaires et de salafistes-djihadistes bien entraînés et bien armés par le club OTANCCG, toute cette affaire pourrait prendre des années, à la façon de la guerre civile libanaise. Cela nous conduit à la deuxième « meilleure » option - qui est en fait un sous-produit  : la mort de l'Etat syrien par un millier, disons un million, d'entailles.

Ce qui est certain est que la « coalition des volontaires » contre la Syrie n'aura aucun problème à se défaire une fois la fin de partie atteinte. Washington parie sur un régime post-Assad dirigé par les F[rères] M[usulmans]. Il ne faut pas s'étonner que la le roitelet Playstation de Jordanie ait la pétoche : il sait que les Frères prendront aussi la Jordanie et l'expédieront faire du shopping permanent chez Harrods.

Ces parangons de la démocratie - les pétromonarchies médiévales du Golfe Persique - ont aussi la pétoche : elles craignentla popularité des F[rères] M[usulmans] comme la peste. Le Kurdistan syrien - à présent définitivement en route vers l'autonomie totale et, au bout du compte, la liberté - fait déjà paniquer Ankara. Sans parler de la future perspective d'un tsunami de salafistes-djihadistes au chômage joyeusement installés à la frontière syro-turque et prêts à se lâcher.

Et puis il y a les relations complexes entre la Turquie et l'Iran. Téhéran a déjà mis en garde Ankara en des termes sans équivoque sur le bouclier anti-missiles de l'OTAN qui doit être déployé incessamment.

Cela va être la pièce maîtresse de la novalangue de la fin 2012. Le porte-parole du Pentagone George Little a été catégorique sur le fait que « les USA ont soutenu la Turquie dans ses efforts pour se défendre. [contre la Syrie] ».

D'où le déploiement de 400 soldats US en Turquie pour fservir deux batteries de missiles Patriot, afin de « défendre » la Turquie contre les « menaces potentielles émanant de Syrie ».

Comprendre : cela n'a rien à voir avec la Turquie, tout cela se rapporte à l'armée russe en Syrie. Moscou a non seulement donné à Damas des missiles sol-sol hypersoniques Iskander très efficaces (quasiment immunisés contre les systèmes anti-missiles) mais aussi le système de défense surface-air à cibles multiples Pechora 2M, un cauchemar pour le Pentagone si jamais une zone d'exclusion aérienne est imposée à la Syrie.

Bienvenue dans le face-à-face Patriot contre Iskander. Et juste dans la ligne de tir nous trouvons le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan - un égocentrique démesuré nourrissant un complexe d'infériorité profond vis-à-vis des Européens - qui se retrouve isolé dans le plan d'ensemble de l'OTAN.

Le talon d'Achille de la Turquie (en dehors des Kurdes) est le rôle qu'elle s'est auto-attribuée de carrefour énergétique entre l'Est et l'Ouest. Le problème est que la Turquie dépend des approvisionnements énergétiques à la fois de l'Iran et de la Russie ; avec sa politique syrienne confuse, elle se met imprudemment et simultanément à dos les deux pays.
Tous ce que j'entends est sinistre et catastrophique
Comment résoudre cette tragédie ? Personne ne semble écouter le vice-président syrien Farouk Al-Sharaa. Dans son interview accordée au journal libanais al-Akhbar, il insiste sur « la menace que pose la campagne actuelle pour détruire la Syrie, son histoire, sa civilisation, son peuple [.] Avec chaque jour qui passe, la solution s'éloigne un peu plus, tant sur le plan militaire que politique. Nous devons être en position de défendre l'existence de la Syrie ».
A droite : "Front Al-Nousra" - A gauche : "L'assassin civilisé"

Il n'a pas de « réponse claire sur ce qui pourrait être une solution ». Mais il a une feuille de route :
Aucun règlement, qu'il commence par des pourparlers ou des accords entre les capitales arabes, régionales ou étrangères, ne peut exister sans une solide fondation syrienne. La solution doit être syrienne, mais à travers un règlement historique qui inclurait les principaux pays de la région et les membres du Conseil de Sécurité de l'Onu. Ce règlement doit inclure la cessation de toutes formes de violence et la création d'un gouvernement d'unité nationale disposant de pouvoirs étendus. Cela devrait s'accompagner de la résolution de dossiers sensibles liés à la vie [quotidienne des Syriens] et à leurs exigences légitimes.
Ce n'est pas ce que veut le conglomérat OTANCCG - alors même que les USA, la Grande-Bretagne, la France, la Turquie, le Qatar et l'Arabie Saoudite sont tous engagés dans leurs propres agendas politiques divergents. Ce que la guerre OTANCCG a déjà accompli est un objectif très similaire, soit dit en passant, à l'Irak en 2003 : elle a complètement mis en lambeaux le fragile tissu social syrien.

C'est le capitalisme du désastre en action, phase 1 : le terrain est déjà préparé pour une "reconstruction" juteuse de la Syrie, une fois qu'un gouvernement turbo-capitaliste pro-occidental malléable sera installé.

Mais, en parallèle, le retour de manivelle œuvre de façon mystérieuse : des millions de Syriens qui ont initialement soutenu l'idée d'un mouvement pour la démocratie - des classes d'hommes d'affaires de Damas aux commerçants d'Alep - sont venus maintenant grossir les rangs de la base de soutien du gouvernement pour contrer l'épouvantable nettoyage ethnico-religieux encouragé par les « rebelles » du type al-Nousra.

Mais, avec l'OTANCCG d'un côté et l'Iran et la Russie de l'autre, les Syriens ordinaires pris dans ce tir croisé n'ont nulle part où aller. Rien n'arrêtera l'OTANCCG pour façonner - dans le sang - une entité douteuse allant d'un émirat pro-US à une « démocratie » pro-US dirigée par les Frères Musulmans. Il n'est pas difficile de voir pour qui sonne le glas en Syrie ; il ne sonne pas pour toi, comme dans John Donne*, mais pour la catastrophe, la morosité, la mort et la destruction.

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