L'histoire de l'Algérie : des Numides (IVe siècle avant J.-C.) à 1962
Bien informés, les Algériens sont des citoyens, mal informés, ils deviennent des sujets. Par le Pr Abderrahmane Mebtoul.
L’histoire étant le fondement de
la connaissance, cette présente contribution, dont l'objectif est de
démystifier l'histoire millénaire et combien riche de l'Algérie,
certainement imparfaite comme toute recherche à approfondir, en espérant
qu’elle suscitera un débat contradictoire au profit exclusif de
l’Algérie, sera scindée en cinq parties : l’Algérie de la période des
Numides à la période romaine ; de la période du kharidjisme à la
dynastie des Almohade ; l’occupation espagnole et ottomane ; la
colonisation française de 1830 à 1962 et du nationalisme algérien à la
révolution du 1er novembre 1954. Le plus grand ignorant étant celui qui
prétend tout savoir, toute critique productive sera la bienvenue.
L’Algérie va fêter le 5 juillet 2012,
cinquante années d’indépendance politique. De juillet 1962 à juillet
2012, elle a connu sept dirigeants. Ahmed Ben Bella (1962 à 1965),
Houari Boumediene (1965 à 1978), Rabah Bitat (1978 à 1979), Chadli
Bendjedid (1979 à 1992), Mohamed Boudiaf (1992), Ali Kafi (1992 à 1994),
Liamine Zeroual (1994 à 1999) et Abdelaziz Bouteflika (1999 à
aujourd'hui). Cependant ce serait une erreur de ne relater que 50 années
de 1962 à 2012 de l’indépendance pour comprendre la situation tant
politique, sociale, économique que culturelle de l’Algérie, car
l’histoire d’une nation ne se découpe pas en morceaux. En effet, ce
serait un déni de mémoire, l’histoire d’une nation ne se découpant pas
en morceaux, de relater que 50 années de 1962 à 2012 de l’indépendance,
pour comprendre la situation tant politique, sociale, économique que
culturelle de l’Algérie.
D’où vient ce terme Algérie ?
L'étymologie du nom en arabe, Al-Djaza'ir (الجزائر), rattache le nom aux
îles qui faisaient face au port d’Alger à l'époque et qui furent
rattachées à sa jetée actuelle. Le terme d'île pourrait selon des
géographes musulmans du Moyen Âge désigner la côte fertile de l’actuelle
Algérie, coincée entre le vaste Sahara et la Méditerranée, apparaissant
alors comme une île de vie. En ce qui concerne Mezghenna, Tassadit
Yacine rapporte l'hypothèse d'une forme arabisée d'Imazighen, donnant au
pays le nom originel Tiziri At Imezghan, "Ziri des Berbères".
Une autre étymologie situe son origine dans le nom de Ziri Ibn Menad
Djezaïr alors de Dziri du berbère Tiziri. L'appellation Algérie provient
du nom de la ville d’Alger qui dérive du catalan Aldjère lui-même tiré
d’Al-Djaza'ir, nom donné par Bologine Ibn Ziri, fils du fondateur de la
dynastie Ziride, lorsqu'il bâtit la ville en 960 sur les ruines de
l'ancienne ville au nom romain Icosium, Djaza’ir Beni Mezghenna. Le nom
en français, Algérie, utilisé pour la première fois en 1686 par
Fontenelles pour qualifier la Régence d’Alger, est officiellement adopté
le 14 octobre 1839 afin de désigner ce territoire faisant partie de la
Côte des Barbaresques.
Ainsi, l’Algérie dans sa préhistoire est
d’essence berbère et selon une version fréquente aurait le sens d'Homme
libre, de rebelle, mais dans le cadre d’une rébellion organisée. Les
Berbères sont un ensemble d’ethnies autochtones d’Afrique du Nord qui
occupaient, à une certaine époque, un large territoire qui allait de
l'Ouest de la vallée du Nil jusqu'à l'Atlantique et l'ensemble du
Sahara. Ils y fondèrent de puissants royaumes, formés de tribus
confédérées. Connus dans l’Antiquité sous les noms de Maures, ou encore
Numides, l’Algérie connut la conquête romaine, l’invasion vandale, la
conquête arabe, la conversion à l’Islam, la conquête espagnole, ottomane
et française. Mais depuis de longs siècles, une conscience nationale
"algérienne" s’est forgée, malgré bon nombre de péripéties tout au long
de son histoire.
1. L’Algérie de la période des Numides à la période romaine
L'Algérie a été peuplée, dès l'aube des
temps. Les vestiges de la présence humaine en Algérie remontent à 400
000 ans, âge attribué aux restes de l'Atlanthrope, découverts dans les
sédiments du lac préhistorique Ternifine, en Oranie. L'Atlanthrope était
un contemporain du Simanthrope et du Pithécanthrope de Java. Des
ossements ont été retrouvés au milieu des outils de pierre taillée qu'il
fabriquait. Des outils du même type ont été retrouvés sur d'autres
sites attestant la présence de l'homme primitif. En Algérie, on assiste,
d'une façon frappante, au voisinage immédiat de l'histoire et de la
préhistoire. Hérodote et Saluste portent témoignage sur les formes
maghrébines de la civilisation néolithique. Il faut souligner, que c'est
au Sahara, que la civilisation néolithique a connu ses plus belles
réussites avec une perfection technique inégalée, comme en témoignent
les peintures du Tassili-N'Ajjers, du Tassili du Hoggar avec les pierres
taillées et polies, comme on peut en voir dans la magnifique collection
du musée du Bardo. A l'aube de l'histoire, l'Algérie, était peuplée par
les Numides qui gardèrent, de la civilisation primitive, la famille
Agnatique et l'Aguellid. Il est probable que c'est cette organisation
sociale que trouvèrent les Carthaginois, à leur arrivée, au IX siècle
avant J.C. Les Phéniciens fondèrent Carthage vers l'année 814 avant J.C
et poussèrent leurs bateaux jusqu'en Espagne. Mais la côte africaine de
la Méditerranée était très hostile : de nombreux récifs et de
hauts-fonds rendaient la navigation très difficile.
D'est en ouest, la côte algérienne
abritait des comptoirs qui sont devenus : Annaba, Skikda, Collo, Jijel,
Bejaïa, Dellys, Alger, Tipaza, Cherchell, Tènes, Bettioua, près d’Arzew,
Ghazaouet, comptoirs qui seront plus tard les assises des villes
puniques, numides et romaines. Carthage étend son influence sur les
populations de l'intérieur, à travers les relations commerciales. Ainsi
apparurent des villes, où l'influence punique est incontestable. Alors
que Carthage rayonnait de toute sa puissance, les Royaumes numide de
Gaia, Massinissa et Syphax, avaient atteint un degré de développement
exceptionnel sur les plans économique, social et culturel. Bien que peu,
ou encore mal connu, cette période reste l'une des plus passionnantes
de l'Histoire de l'Algérie. Au plan politique, la Numidie connut des
tribus indépendantes, des républiques villageoises, de vastes royaumes
dotés d'un pouvoir fort qui s'est superposé aux structures tribales.
Quand la Numidie réapparut au IVe siècle avant J.-C, elle formait au
couchant, le royaume des Massaeysiles limité par l'Ampsaga (Rhumel) à
l'est et par la Moulouya à l'ouest, avec Siga pour capitale et le
royaume des Massyles dans la partie orientale du Constantinois, avec
Cirta pour capitale. Hérodote rapporte que des relations commerciales se
développèrent très tôt entre Phéniciens et Numides, favorisant ainsi la
pénétration de la langue et de la culture puniques assez profondément
dans le pays. Les Numides apprirent des Phéniciens les procédés
agricoles et industriels avec la fabrication de l'huile d’olive, du vin,
l'exploitation et le travail du cuivre. L'influence culturelle, par
contre, fut très limitée et s'exerça essentiellement par l'intermédiaire
de Carthage. Elle ne se manifesta que dans le domaine de l'art, dont
nous retrouvons des exemples dans les grands médracens de l'Aurès et de
Tipaza. Au cours des années qui suivirent cette guerre, la puissance
carthaginoise s'affaiblit, ce qui permit au roi des Massyles, Gala,
grand père de Massinissa, d'entreprendre la conquête des villes
côtières, dont Hippo-Régius, qui devint sa capitale, en chassant les
Carthaginois.
Pendant la deuxième guerre punique
(218-202) avant J.-C.) Romains et Carthaginois se disputèrent avec
acharnement l'alliance des royaumes numides. Alliée à Hannibal, la
cavalerie numide parvint à envahir l'Iberia, la Gaule, traversant les
Pyrénéees, puis les Alpes, contribuant à remporter en 216 avant J.-C la
bataille de Cannae, la plus célèbre victoire des troupes de Hannibal,
demeurée, à ce jour, dans les annales militaires, comme un exemple de
stratégie et de tactique. Lors de son couronnement, Massinissa avait 36
ans. Né en 238 avant J.C., il régna pendant 54 ans jusqu'à sa mort en
148 avant J.-C. Pendant son long règne, il entreprit la construction
d'un Etat unifié et monarchique. D'abord il s'attacha à sédentariser les
populations et transforma les pasteurs nomades en agriculteurs. Il
favorisa l'urbanisation de la Numidie, poussant les cultivateurs à
former de gros bourgs, auxquels il donna une organisation semblable à
celle des villes puniques. Massinisssa qui regardait avec intérêt
l'Orient grec, avait accepté la forme de civilisation que six siècles,
placés sous l'influence de Carthage, elle-même hellénisée au cours des
deux derniers siècles, avaient apportée aux élites Numides. Le projet
politique le plus cher à Massinissa fut l’unification de tous les
royaumes numides. La récupération des terres ayant appartenu à ses
ancêtres lui permit d'introduire de nouvelles méthodes dans des domaines
aussi variés que l'agriculture, l'hydraulique et la culture en
terrasses. Pour mieux assurer sa puissance, il voulut diviniser la
monarchie et établir le culte de la divinité royale. Au plan militaire,
son pouvoir, aussi, fut considérable : il entretint une puissante armée
et une flotte importante. Sur le plan économique, la Numidie occupa,
pendant son règne, une place prépondérante dans l'économie mondiale de
l'époque. Sa gestion fit de son pays un Etat très prospère qui
commerçait avec la Grèce et Rome. Cirta en fut la capitale où à cette
époque l’actuelle Europe vivait encore dans l’indigence. Dans son œuvre
d'unification, il empiéta sur le domaine de Carthage, qui lui déclara la
guerre. Massinissa en sortit vainqueur.
La puissance grandissante de Massinissa
en Afrique inquiéta Rome, au point qu'en déclarant la guerre à Carthage
en 149 avant J.-C, elle visait aussi Massinissa. En détruisant Carthage
en 146 avant J.C et en créant la première colonie romaine en Afrique,
Rome mettait une limite à l'extension territoriale de la Numidie et au
renforcement de son pouvoir économique et politique. L'occupation
romaine de l'Afrique du Nord, à partir de Carthage, se fit par trois
axes principaux : Le premier, suit la côte de la Tunisie du nord au sud,
puis vers l'est en passant par la Libye. Le second, qui va d'est en
ouest, suit la ligne du plateau intérieur, nettement en arrière des
massifs côtiers. Le troisième, en diagonale nord-est et sud-ouest,
représente la voie de pénétration vers la frontière sud et vers l'Aurès
par Ammaedara (Haïdra, Tunisie), Thevesti (Tebessa), Thamugadi (Timgad),
et enfin Lambaesis (Lambèse). Trois de ces villes furent les bases de
la légion romaine, qui occupa Ammaedara sous le règne d'Auguste. En l'an
75, elle s'installa à Thevesti, en 81 à Lambaesis, qui devint par la
suite son siège définitif avant d'être la capitale de la Numidie. La
Numidie est un territoire militaire, dont le commandement est installé à
Lambèse ; elle deviendra une province indépendante de la Proconsulaire
en 198. A partir de 126, des voies de pénétration l'aideront à
progresser par les pistes du Sud, mais elle se rétrécit vers le nord :
Hippo Régius (Hippone) est en Proconsullaire, Igilgili (Jijel) et en
Maurétanie Sétifienne. La côte de Numidie a deux ports : Rusicade
(Skikda) et Chullu (Collo). Le reste de l'Algérie forme la Maurétanie
Césarienne. La Maurétanie était gouvernée à partir de Césarée
(Cherchell). Sa frontière est plus méridionale, loin des monts du Hodna.
Au-delà de cette bande côtière, les populations numides continuent à
suivre leur mode de vie, et à se battre contre l'occupation romaine. Si
la sédentarisation s'est faite au temps des Phéniciens et des Royaumes
numides, c'est l'urbanisation qui constituera la base de l'empire
romain. Le nombre et la splendeur monumentale des cités romaines que
révèlent les imposantes ruines de Timgad, Lambèse, Djemila-Cuicul,
Tiddis, Tipaza témoignent du rôle joué par les Cités africaines. Dans le
monde, seules deux villes, demeurent intactes et témoignent de la
perfection urbanistique des cités romaines : Pompéi, en Italie,
ensevelie et sauvegardée par les cendres du Vésuve, et Timgad en
Algérie, ensevelie et sauvegardée par le sable du désert. Les Berbères,
christianisés par Rome résistèrent de façon différenciée à la chute de
Rome, puis des Vandales et l'instabilité durant la période byzantine.
Certains s'enfuirent en Sicile. D'autres, notamment dans les Aurès vont
résister à l'arrivée des musulmans entre 670/702. Cette période a
entraîné la reconstitution de plusieurs principautés berbères. De
nombreux Berbères se convertirent ensuite en masse à la religion
musulmane. La conquête musulmane de l’Espagne et du sud de la France qui
s'ensuivit fut menée par un contingent arabo-berbère comptant beaucoup
de convertis.
2. De la période du kharidjisme à la dynastie des Almohades
Durant le kharidjisme amazigh de
736/947, les Imazighen ne tardent pas à se révolter contre l'autorité du
calife d'Orient, autant pour des raisons fiscales que politiques.
Plusieurs royaumes amazighs autonomes font leur apparition. Dans le
Maghreb central, l'un d'eux, la principauté de Tahert se développe
durant 140 ans. À la suite du grand schisme de l'islam, lorsque Ali,
gendre du prophète disputant le califat à Muawiya accepta une
transaction, à la suite de laquelle Muawiya fut vainqueur. L'islam se
divisa alors en deux branches principales : les adeptes de la branche
dominante prirent le nom de sunnites et ceux qui se réclamaient d'Ali
devinrent les chiites. La branche qui prévalut en Afrique du Nord est le
sunnisme. Quant au kharidjisme, il disparut entièrement de l'Afrique du
Nord où il n'a subsisté que dans le Sud algérien, au Mzab, les actuels
originaires du Mzab, ou mozabites exerçant dans le reste de l'Algérie,
les activités pacifiques, notamment le commerce contrastant
particulièrement avec le goût pour le combat de leurs ancêtres. Vient la
dynastie rostémide de 776/909, Ibn Rustom prenant comme épouse une
femme berbère des Banou Ifren. Il fonde en 761 un royaume ibadite dans
le nord du Maghreb avec Tabert pour capitale. Celui-ci, comme l’émirat
de Cordoue depuis sa création en 756, conserve son indépendance du
califat des Abbassides, malgré les pressions diplomatiques et militaires
ainsi que les pertes de territoires. En 909, en proie à des crises
intérieures, le chef chiite et fondateur de la dynastie des Fatimides,
Obeid Allah, mit fin au royaume rostémide. Pour la dynastie Idrisside de
788/985, Idriss prend comme épouse une Berbère et eu un enfant, Idriss
II. Deux versions des faits existent : selon la première, Abou Ourra
invite Idriss vers 790 à séjourner à Tlemcen. Selon la deuxième version,
Idriss regroupe ses alliés et fait une incursion à Tlemcen. Le chef des
Maghraouas Mohamed Ibn Khazer fait allégeance à Idriss vers 790. Idriss
va combattre les kharidjites et les Aghlabides, lorsqu'il prend pouvoir
au Maghreb. La dynastie Ifrenide ayant régné de 790/1066 est
anciennement établie dans leur royaume de Tlemcen. Les Banou Ifren sont
des opposants à tous les régimes idéologiques. Ils choisissent d'être
sufrites berbères au début VIIe siècle.
Au Xe siècle, Abu Yazid, vers 942, est
le chef de la révolte contre les Fatimides. Mais, vers 947, il est tué
et les Banou Ifren organisent une lutte contre les Fatimides. Les Banou
Ifren reprennent leurs territoires et contrôlent tout l'ouest du pays.
Yala Ibn Mohamed détruit complètement Oran et choisit Ifgan comme
capitale militaire. Les Fatimides font ensuite alliance avec les Banou
Ifren. Des luttes acharnées entre les trois dynasties (Maghraouas,
Ifreides et Zirides) débutent pour le pouvoir du Maghreb. Il en ressort
que les Banou Ifren ne cédent pas face aux deux dynasties et Tlemcen
reste leur capitale. La dynastie Banou Ifren s'achève dès l'arrivée des
Hilaliens et des Almoravides au Maghreb. Vient ensuite la dynastie
Aghlabide de 800/909. En 800, le calife abbasside Haroun ar-Rachid
délègue son pouvoir en Ifriqiya à un gouverneur arabe du Zab, Ibrahim
Ibn Al-Aghlab, qui obtient le titre d’émir Al-Aghlab établissant la
dynastie des Aghlabides, qui règne durant un siècle sur le Maghreb
central et oriental. Le territoire bénéficie d’une indépendance formelle
tout en reconnaissant la souveraineté abbasside, les émirs aghlabides
prêtant allégeance au calife abbasside.
Au début du Xe siècle, une nouvelle
dynastie supplante les Aghabides et les Rostémides et dans le Maghreb
central : les Fatimides de 909/à 972. De doctrine chiite et pensant que
le khalifat doit revenir à la descendance d’Ali, ils considèrent les
khalifes Abbassides comme des usurpateurs. Aussi, dès sa prise de
pouvoir en 909 à Raqqada, le premier représentant de cette dynastie,
Ubayd Allah revêt le titre de Mahdi et celui de commandeur des croyants.
Il constitue une armée parmi les Kutamas, et s'attaque aux Aghlabites
dont il conquiert l'émirat en une quinzaine d'années (893-909).
Cependant, les tribus berbères zénètes d’Abu Yazid en 944 s’emparent de
Kairouan. Le chef berbère Ziri Ibn Menad, ayant réuni sous son autorité
les tribus Sanhadja, met en déroute les tribus zénètes et sauve l'empire
Fatimide. Il y gagne le poste de gouverneur du Maghreb central comme
récompense de sa fidélité. Peu à peu, l'armée affaiblie des Fatimides se
recompose, puisant toujours ses forces chez les Kutamas, mais aussi
désormais en Perse et en Syrie. Ils parviennent finalement à se
réimposer en maîtres du Maghreb occidental, avant de tourner leurs
efforts armés vers l'Orient, pour aboutir à la conquête de l’Egypte en
969. À partir de ce moment, les Fatimides commencent à se désintéresser
de leurs terres d'origine, les laissant au fur et à mesure tomber aux
mains des Zirides à tel point qu’en 1060 la dynastie n'a plus pour
territoire que l'Égypte.
Le Maghreb a connu également la
domination de la dynastie Maghraoua de 970/1068 et celle des Zirides de
972 à 1152. Les Maghraouas sont une tribu zénète dont le royaume est
dans le Chlef actuel. Les Maghraouas s'allient aux Fatimides puis aux
Omeyyades mais finissent par former une dynastie indépendante avec pour
capitale Oujda. Les Maghraouas, grâce à Ziri Ibn Attia, prennent les
principales villes de l'ouest : Tlemcen et les Zibans. Les Maghraouas
envahissent la partie nord, le Maghreb el Aqsa (actuel Maroc), et
choisiront Fès comme capitale. Les deux dynasties Zénètes se font la
guerre. Plusieurs chefs des Maghraouas commandent la dynastie jusqu'à sa
chute vers 1068. Quant à la dynastie ziride fondée par Bologhine Ibn
Ziri, originaire de ces tribus berbères sanhadjas, elle règne sur
l’Ifriqiya et une partie d’Al Andalus pendant environ deux siècles avec
successivement Achir Kairouan et Mahdia pour capitales. En 1046, alors
vassaux des Fatimides, les Zirides rompent totalement leurs relations :
en reconnaissant les Abbassides comme califes légitimes, les Zirides
montrent ouvertement aux Fatimides qu'ils abandonnent le chiisme. Pour
réprimer les Zirides, les Fatimides envoient en 1052 les Hilaliens qui
détruisent Kairouan en 1057. Mahdia devient alors la nouvelle capitale
de l'empire. De 1014 à 1152 lui succède la dynastie des Hammadite qui
est une branche des Zirides puisque son fondateur Hammad Ibn Bologhine
est le fils de Bologhine Ibn Ziri. Il gouverne sur un territoire
correspondant à peu près à l'actuelle Algérie hors Sahara durant un
siècle et demi. Hammad Ibn Bologhine fonde la dynastie en 1014 en se
déclarant indépendant des Zirides et en reconnaissant la légitimité des
califes Abbassides de Bagdad. Mais c'est seulement en 1018 que les
Zirides reconnaissent l'autorité des Hammadides. Leur capitale est dans
un premier temps Al-Qala, quand, menacée par les Hilaliens, elle devient
Bejaïa. Les incursions des Hilaliens, à partir de 1052 affaiblissent
grandement la dynastie jusqu'à ce qu'elle soit définitivement vaincue à
l'arrivée des Almohades. À la suite de la rupture avec les Zirides et
dans le but de les punir, les Fatimides envoient les Hilaliens, une
confédération de tribus venues en majorité d’Egypte. Ils étaient alliés
avec les Hammadides ce qui permit la destruction des Ifrenides. En 1152,
un siècle après l’arrivée des premiers contingents bédouins, les Béni
Hilal se regroupent pour faire face à la puissance grandissante des
Almohades, maîtres du Maghreb el-Aqsa et de la plus grande partie du
Maghreb central. Mais ils sont écrasés à la bataille de Sétif.
Paradoxalement, cette défaite n’entrave pas leur expansion, elle en
modifie seulement le processus. Les Almoha-des, successeurs d’Abd
el-Moumen, n’hésitent pas à utiliser leurs contingents et ordonnent la
déportation de nombreuses fractions Ryâh, Athbej et Djochem dans
diverses provinces du Maghreb El-Aqsa, dans le Haouz et les plaines
atlantiques qui sont ainsi arabisés.
Il y a lieu également de retenir
l’importance de la dynastie Almoravide qui est une dynastie berbère en
provenance du Sahara qui régna sur le Sahara, une partie du Maghreb et
une grande partie de la péninsule Ibérique de la fin du XIe au début du
XIIème siècle. C'est Yahya Ibn Brahim qui, en islamisant en 1035 sa
tribu berbère, donne naissance à une communauté religieuse militaire qui
sera à l'origine de la dynastie almoravide. Mais, c'est souvent
Abdallah Ibn Yassin qui est considéré comme le père spirituel de ce
mouvement. À la tête d'une armée de plus en plus impressionnante, il
convertit par la force ses voisins, profitant du prétexte pour agrandir
son influence territoriale. Dès 1054, il part à la conquête de l’empire
du Ghana Le successeur d'Abdallah Ibn Yasin, Abu Bakr Ibn Omar est
considéré comme le premier souverain almoravide. C'est lui, qui, aux
alentours de 1070 fondera la ville de Marrakech avant de repartir au
Ghana prendre sa capitale en 1076. Marrakech est la capitale d'un empire
immense, du Niger au Tage. C'est l'apogée des Almoravides qui mènent
l'une des plus grandes puissances méditerranéennes mais aussi
africaines. Certaines sources indiquent aussi que les Almoravides
prennent Tlemcen et Alger. D'autres sources signalent que les
Almoravides s'arrêtent aux bornes des Zirides et aussi des Hammadides.
D'autres sources, enfin, soutiennent que vaincus par les Hammadides
délaissent Tlemcen en 1002. La prise de Marrakech par les Almohades en
1147 marque la fin de l'empire des Almoravides. Le mouvement almohade
composé des Masmoudas et des Zénites, est né en réaction à l'autorité
makeliste en place, à savoir les Almoravides en relation avec les
dissidents exilés dans le Haut Atlas qui commencèrent par créer une
communauté militaire et religieuse, dans les années 1120. La guerre
éclate, et Tlemcen, Fès puis Marrakech tombent, annonçant la disparition
des Almoravides en 1147. Au fur et à mesure des années et des
différents règnes, les Almohades vont agrandir leur royaume, et finir
par unifier tout le Maghreb et le sud de l'Al Andulus pendant un
demi-siècle. La dynastie Hafside, d’abord alliée et vassale des
Almohades se proclame indépendante en 1230. Elle est alors divisée entre
deux capitales Bejaia et Tunis. C'est au XVe siècle, sous Muhammad IV
al Mutansir que la dynastie connaît son apogée. Les Hafsides contrôlent
alors un territoire qui s'étend de l'est de l’Algérie à partir d’Alger
jusqu'au nord-ouest de la Libye. Au XVIe siècle, l'empire, de nouveau
grandement affaibli par des luttes internes, subit les attaques des
Espagnols qui débarquent sur les villes côtières comme Bejaia.
La dynastie des Zianides aussi appelés
Abdalwalides est une dynastie berbère zénète ayant régné depuis Tlemcen
de 1235 à 1556 fondé par Yaghmoracen Ibn Zyan et dont l'étendue du
Royaume préfigurait une partie de l'actuelle Algérie. Les Abdalwadides,
furent refoulés vers les hautes plaines d’Oranie par l'invasion des
Hilaliens en 1051. Les Zianides sont vaincus par les Ottomans en 1556.
Selon Ibn Khaldoun, la dynastie Mérinide a régné de 1258 à 1465. Elle
serait d’origine zénète issue de la tribu des Wassin. Établis dans le
sud des Aurès (Biskra- Algérie), les Banu Marin furent peu à peu, dès le
XIe siècle, poussés vers l'Ouest par l'arrivée des tribus arabes des
Banu Hilal. Les Mérinides dominent, diverses régions de l'actuel Maroc
et imposent durant une année leur pouvoir sur une partie du Maghreb. Le
centre de leur royaume se situe entre Taza et Fès. Ses frontières
évoluent avec le temps, de l’océan Atlantique à l’ouest, la mer
Méditerranée au nord, le domaine des Zianides à l’Est, et le Sahara au
sud. En 1358 la mort d’Abu Inan Faris, tué par l'un de ses vizirs marque
le début de la décadence de la dynastie qui ne parvient pas à refouler
les Portugais et les Espagnols, leur permettant, à travers leurs
continuateurs les Wattassides de s'installer sur la côte. La résistance
s'organisera autour des confréries et des marabouts. Rappelons que les
musulmans composés en en partie de Berbères islamisés ont régné près de
huit siècles de 711 à 1492 en Andalousie. Une tête de pont musulmane
s'est maintenue durant une période en Provence dans le massif des Maures
et à Ramatuelle dans le sud de la France jusqu'à la fin du Xe siècle.
La Sicile fut également sous domination musulmane pendant près de 250
ans, et la majeure partie de ses habitants se convertirent à l’islam
jusqu’à ce que les armées chrétiennes et normandes ne récupèrent l’île,
fondant le royaume de Sicile. A la suite du décret d’expulsion des
Morisques, une partie d'entre eux s'installera ailleurs en Europe,
plusieurs se convertirent au christianisme, le reste se réfugiera en
Afrique du Nord.
3. L’occupation espagnole et ottomane
Au mois de juillet 1501 les Portugais
lancent une expédition pour tenter d'accoster sur la plage des
Andalouses. Il faudra attendre le débarquement de Mers El Khébir en 1505
pour voir l’Espagne s'engager dans la première expédition organisée
contre Oran. Après l’occupation du port de Mers El Khébir et celui de la
ville d’Oran - 1509 - la ville fut désertée, puis totalement occupée
par les troupes espagnoles Au XVI siècle, les Espagnols font ainsi
d’Oran une place forte et construisent une prison sur un éperon rocheux
près de la rade de Mers El Khébir. Les juifs d’Oran n’eurent pas la vie
facile avec les Espagnols, considérés comme des ennemis de la religion.
Les juifs qui habitaient Ras El Ain et le Ravin Blanc furent expulsés
hors d’Oran à partir de1669 durent habiter la montagne de La Corniche
Supérieure (Misserghin). En 1510 les Espagnols attaquent la ville
d’Alger et bâtirent sur un îlot de la baie d'Alger une forteresse, le
Peñón d'Alger, destinée à bombarder la ville et à empêcher son
approvisionnement. Pedro prend Bejaïa en 1510/1555. Cependant en 1514,
grâce à une attaque combinée des Kabyles menée par Sidi Ahmed Ould Kadi à
la tête de 20 000 hommes et des Turcs par la mer, la ville de Bejaia
sera temporairement libérée de la présence espagnole. Les Espagnols en
seront ensuite définitivement expulsés en 1555 par les Ottomans de 1515 à
1830 dirigés par Salah Rais Pacha. Là nous avons deux versions.
Selon la première version, le territoire
de l'actuelle Algérie était considérablement divisé. Au sud le sultanat
de Touggourt était indépendant depuis 1414, tandis qu'au nord-ouest la
région était gouvernée par les zianides à l'exception de la ville d'Oran
qui était gouvernée par les Espagnols depuis 1509. La conquête ottomane
de la région d'Alger commença en 1518, et fut successivement gouvernée,
pour le compte de l'Empire ottoman, par des beylerbeys (gouverneurs
généraux) de 1518 à 1587, des pachas de 1587 à 1659, des aghas de 1659 à
1671 et des deys de 1671 à 1830. La région de Constantine, conquise en
1525, prit une relative autonomie administrative par rapport à Alger en
1567 et fut administrée par des beys jusqu'à la conquête française le 13
octobre 1837. Du côté d'Oran, la province fut annexée à l'empire
ottoman de 1708 à 1732, puis à partir de 1792. Selon la seconde version,
la conquête ottomane de la région d'Alger commença en 1518, et fut
successivement gouvernée, pour le compte de l'Empire ottoman, par des
beylerbeys (gouverneurs généraux) de 1518 à 1587, des pachas de 1587 à
1659, des aghas de 1659 à 1671 et des deys de 1671 à 1830. En principe,
l'autorité des ottomans s'étendait sur l'ensemble de la Régence d'Alger,
c'est-à-dire le nord de l'Algérie actuelle. Mais en réalité celle-ci
variait selon l'époque et les régions concernées. Ainsi des régions
montagneuses comme la Kabylie et ou les Aurès entraient à nombreuses
reprises en révolte contre l'Autorité ottomane. À l'est de l'Algérie
dans les Aurès plusieurs tribus s'unissent et déclenchent des luttes
contre les Ottomans. Les Ouled Daoud ainsi que plusieurs tribus
empêcheront les Ottomans de pénétrer dans leurs territoires. Pour la
période ottomane nous avons, l’époque des Beylerbeys 1515 à 1587 et
l’époque des Pachas 1587/1659. Cette période est surtout marquée par la
lutte de Charles Quint et son vassal Barberousse. Pendant cette période,
les trois règnes d’Hassan Pacha ou "Hassan Barberousse", fils du
fondateur de la régence, furent marqués par des interventions armées au
Maroc et des tentatives de reprises d’Oran. Le sultan ottoman a choisi
la durée du règne d'un pacha de 3 ans. Le premier était Dali Ahmed Pacha
1589/1582, Pendant ce règne les relations entre la France et l’Algérie
ont connu une détérioration suite à son soutien aux Espagnols contre
l’Algérie. Ensuite l’époque des Aghas1659/1671 et l’époque des Deys
1671/1830. Les Aghas sont les officiers des forces terrestres ; l'agha
était nommé par le conseil. Cette période a connu une grande attaque de
la France sur El Kala en 1663 et une autre sur Jijel en 1664 mais toutes
ont échoué. Vers 1600 se stabiliseront définitivement les frontières
orientales et occidentales de la Régence, à la suite des victoires sur
le sultan marocain Moulay Ismaïl en 1694. Le pouvoir de ces chefs
s'accrut rapidement. Baba Ali en 1710 obtient l'investiture de la
Régence. Comme leur pouvoir était électif, les deys restèrent toujours à
la merci des janissaires, qui les déposaient à leur gré. Le dernier dey
d'Alger, Hussein régnait depuis 12 ans au moment de la conquête
française en 1830. Cependant des zones géographiques n’ont pas été
dominées par les Ottomans de 1515 à 1830 ayant été incapables d'étendre
leur autorité aux régions sahariennes. Le Sahara était l'axe principal
des échanges commerciaux entre l'Afrique noire et le nord.. A Ouargla,
les habitants étaient gouvernés par l'autorité des zaouïas. Les
mouvements des marabouts étaient fort implantés dans toutes les régions
du sud et dans une partie des Aurès. Dans l'extrême sud, une
confédération targuie, les Kel Ahaggar fut formée dans le Sahara
algérien vers l'année 1750.
4. La colonisation française de 1830 à 1962
Il semblerait, peut être un prétexte,
que tout aurait commencé par la fameuse affaire de l’éventail. L'origine
de la dernière querelle entre la France et la régence d’Alger remonte
au Directoire des commerçants juifs de Livourne installés à Alger au
milieu du XXVIIIe siècle, les Bacri et les Busnach, ont alors livré
d'importantes quantités de grains pour nourrir les soldats participant
avec Bonaparte à la campagne d’Italie. Bonaparte refuse de régler la
facture qu'il juge excessive. En 1820, Louis XVIII éponge la moitié des
dettes du Directoire. Le dey, créancier des Bacri pour 250 000 francs,
exige de la France le versement de la somme destinée aux commerçants
livournais. Comme il pense que la France n'a pas l'intention de
rembourser le prêt, il se trouve déjà en froid avec le consul. Mais une
affaire bien plus grave met le dey hors de lui : la France avait la
concession d'un entrepôt commercial à La Calle, et par l'intermédiaire
de son représentant Deval, s'était engagée à ne pas le fortifier. Or,
elle a fortifié l'entrepôt. Lorsque le dey s'en rendit compte et qu'il
demanda par écrit des explications au gouvernement français sans obtenir
de réponse, il se contenta de demander des explications verbalement au
consul de France qui choisit le parti de le prendre de haut. Le 30 avril
1827 à Alger, le dey soufflette avec son éventail le consul de France,
Deval. L'épisode entraîne la rupture diplomatique avec la France. Le
Conseil des ministres décide d'organiser une expédition en Algérie le 31
janvier 1830.
La conquête de l’Algérie de 1830 à 1871,
marque la fin de la domination ottomane et le début de la domination
française. D'abord nommés «possessions françaises dans le Nord de
l'Afrique», ces territoires prendront officiellement le nom d'Algérie,
le 14 octobre 1839. La population algérienne est estimée à 3 millions
d'habitants avant la conquête française de 1830. Selon l'ouvrage
Coloniser, exterminer de l'historien Olivier Le Cour Grandmaison je cite
: « le bilan de la guerre, presque ininterrompue entre1830/1872
souligne son extrême violence ; il permet de prendre la mesure des
massacres et des ravages commis par l'armée d'Afrique. En l'espace de
quarante-deux ans, la population globale de l'Algérie est en effet
passée de 3 millions d'habitants environ à 2.125.000 selon certaines
estimations, soit une perte de 875.000 personnes, civiles pour
l'essentiel. Le déclin démographique de l’élément arabe était considéré
comme bénéfique sur le plan social et politique, car il réduisait
avantageusement le déséquilibre numérique entre les indigènes et les
colons." Plusieurs observateurs s'accordent à dire que la conquête de
l’Algérie a causé la disparition de presque un tiers de la population
algérienne. Guy de Maupassant écrivait dans Au Soleil en 1884 je le cite
: "Il est certain aussi que la population primitive disparaîtra peu
à peu; il est indubitable que cette disparition sera fort utile à
l'Algérie, mais il est révoltant qu'elle ait lieu dans les conditions où
elle s'accomplit". Nous pouvons scinder cette période historique en plusieurs phases.
Sous Louis Philippe 1er de 1830 à 1848,
l’Emir Abd El Kader figure charismatique, fondateur de l’Etat algérien
selon certains historiens, résista pendant de longues années à
l’occupation coloniale. Il attaque des tribus alliées de la France et
bat le général Trézel dans les marais de la Makta près de son fief de
Mascara dans l'Ouest algérien. Il encercle la ville voisine d’Oran
pendant 40 jours. Arrivé en renfort de métropole, le général Bugeaud
inflige une défaite à Abd El Kader. Le traité de Tafna est signé le 30
mai 1837 entre le général Bugeaud et l’Emir qui reconnaît la
souveraineté de la France. En échange de pouvoirs étendus sur les
provinces de Koléa, Médéa et Tlemcen il peut conserver 59 000 hommes en
armes. L'armée française passe, en septembre 1839, les Portes de fer
dans la chaîne des Bibans territoire que l'émir comptait annexer. Abd
El-Kader, considérant qu'il s'agit d'une rupture du traité de Tafna,
reprend, le 15 octobre 1839 la guerre contre la France le 16 mai 1843.
Le 14 août 1844 le général Bugeaud écrase l'armée du sultan marocain à
la bataille d’Isly. L'armée marocaine se replie en direction de Taza. Le
sultan s'engage alors à interdire son territoire à Abd El-Kader en
traitant avec la France. Le 23 septembre les troupes d'Abd El Kader
sortent victorieuses lors de la bataille de Sidi Brahim engagée par le
colonel Montagnac. En décembre 1847, Abd El Kader se rend aux spahis
(nomades des régions steppiques de l'Algérie). Placé en résidence
surveillée pendant quatre ans en France, l'émir fut libéré par Napoléon
III, visita plusieurs villes de la métropole avant de rejoindre Damas et
résida le restant de sa vie en Syrie. Le 11 décembre 1848 la
Constitution de 1848 proclame l'Algérie partie intégrante du territoire
français. Bône, (Annaba actuellement) Oran, Alger deviennent les
préfectures de trois départements français. Les musulmans et juifs
d'Algérie deviennent "sujets français" sous le régime de
l’indigénat. Le territoire de l'ex-Régence d'Alger est donc
officiellement annexé par la France, mais la région de la Kabylie qui ne
reconnaît pas l'autorité française résiste encore. L'armée française
d'Afrique contrôle alors tout le nord-ouest de l'Algérie. Les succès
remportés par l’armée française sur la résistance d'Abd el-Kader,
renforcent la confiance française, et permettent de décréter, après
débats, la conquête de la Kabylie qui doit intervenir à l'issue de la
guerre de Crimée (1853 -1856) qui mobilise une partie des troupes
françaises. C’est à cette époque que Fatma N’soumer la femme rebelle
marqua une grande résistance. Née en 1830, l'année même de l'occupation
française d'Algérie, en 1853, elle avait 23 ans dans son Djurdjura
natal. Elle est arrêtée le 27 juillet 1857 dans le village de Takhliit
Ath Atsou près de Tirourda. Placée ensuite en résidence surveillée à
Béni Slimane elle y meurt en 1863, à l'âge de trente-trois ans, éprouvée
par son incarcération.
En mars 1871, profitant de
l'affaiblissement du pouvoir colonial à la suite de la défaite française
lors de la guerre franco-prussienne (1870-1871), une partie de la
Kabylie se soulève favorisée par plusieurs années de sécheresse et de
fléaux. Elle débute au mois de janvier avec l'affaire des Spahis et en
mars avec l'entrée en dissidence de Mohamed El Mokrani qui fait appel au
Cheikh Haddad, le grand maître de la confrérie des Rahmaniya. La
révolte échoue et une répression est organisée par les Français pour "pacifier"
la Kabylie avec des déportations. À la suite d'un ordre qui a été donné
par l'armée de les envoyer en France, les Spahis se soulèvent fin
janvier 1871 à Moudjebeur et à Ain-Guettar, dans l'Est algérien à la
frontière avec la Tunisie. Le mouvement est rapidement réprimé. Dès lors
le seul moyen de prévenir les révoltes, c'est d'introduire une
population européenne nombreuse, de la grouper sur les routes et les
lignes stratégiques de façon à morceler le territoire en zones qui ne
pourront pas à un moment donné se rejoindre. La loi du 21 juin 1871
(révisée par les décrets des 15 juillet 1874 et 30 septembre 1878)
attribue 100 000 hectares de terres en Algérie aux immigrants
d'Alsace-Lorraine. De 1871 à 1898 les colons acquièrent 1 000 000
d'hectares, alors que de 1830 à 1870 ils en avaient acquis 481.000. Le
26 juillet 1873 est promulguée la loi Warnier visant à franciser les
terres algériennes et à délivrer aux indigènes des titres de propriété.
Cette loi donne lieu à divers abus et une nouvelle loi la complétera en
1887. Son application sera suspendue en 1890. Le Code de l’Indigénat est
adopté le 28 juin 1881 distinguant deux catégories de citoyens : les
citoyens français (de souche métropolitaine) et les sujets français,
c'est-à-dire les Africains noirs, les Malgaches, les Algériens, les
Antillais, les Mélanésiens. Le Code était assorti de toutes sortes
d'interdictions dont les délits étaient passibles d'emprisonnement ou de
déportation. Après la loi du 7 mai 1946 abolissant le Code de
l'indigénat, les autochtones sont autorisés à circuler librement, de
jour comme de nuit, et récupérer le droit de résider où ils voulaient et
de travailler librement. Cependant, les autorités françaises réussirent
à faire perdurer le Code de l'indigénat en Algérie jusqu'à
l'indépendance en maintenant le statut musulman et en appliquant par
exemple le principe de responsabilité collective qui consistait à punir
tout un village pour l'infraction d'un seul de ses membres. L'Algérie
possède un nouveau statut en 1900 : elle bénéficie d'un budget spécial,
d'un gouverneur général qui détient tous les pouvoirs civils et
militaires.
5. Du nationalisme algérien à la révolution du 1er novembre 1954
Si l’Emir Abdelkader est considéré comme
le précurseur de la fondation de l’Etat algérien, Messali Hadj est
considéré comme un des fondateurs du nationalisme algérien. Ainsi
Messali Hadj dès 1927 réclame l’indépendance de l’Algérie ayant été le
fondateur du parti du peuple algérien (PPA), du Mouvement pour le
triomphe des libertés démocratiques et du Mouvement national algérien
(MNA). Cependant, bien que la résistance ait toujours existé depuis
toutes les invasions, ceux sont les guerres mondiales qui permirent une
prise de conscience plus forte de l’injustice que frappait la majorité
des Algériens souvent analphabètes et travaillant à des salaires de
misère. Pour faire face aux pertes humaines de la Grande Guerre, la
France mobilisa les habitants des départements français d'Algérie :
musulmans, Juifs et Européens. 249.000 Algériens furent mobilisés
(73.000 mobilisés dans la population française, et 176. 000 dans la
population "indigène") avec 38.000 à 48.000 des leurs sur les
champs de bataille d’Orient et d’Occident durant la Première Guerre
mondiale. Durant la seconde guerre mondiale, en Algérie, la conscription
engagea 123 000 musulmans Algériens et 93. 000 Européens d'Algérie
(Pieds-Noirs) dans l'armée française; 2.600 des premiers, et 2.700 des
seconds furent tués dans les combats de 1940. En 1942, (appel du général
de Gaulle le 08 novembre 1942) et dans le cadre de l’opération Torch
(débarquement des Anglo-Américains à Oran, Alger, Annaba) de nombreux
Algériens furent engagés dans les forces alliées au sein de l’armé
française de la Libération et engagés sur les fronts italiens et
français. Entre 1942/1943, les effectifs mobilisés en Algérie s'élèvent
sur la période à 304.000 Algériens (dont 134.000 "musulmans", et 170.000 "européens")
Ils sont engagés en Tunisie de novembre 1942 à mai 1943, en Italie de
novembre 1943 à juillet 1944, et enfin en France et en Allemagne d'août
1944 à juin 1945. Nous trouvons Ahmed Ben Bella, Mohammed Boudiaf,
Mostefa Ben Boulaïd, Krim Belkacem. La guerre d’Indochine (1946-1954)
absorbe les cadres militaires et fait combattre les volontaires et
soldats de métiers, légionnaires et les troupes coloniales dont 35 000
maghrébins (Marocains & Algériens) qui comptent pour 1/4 de
l'effectif du corps expéditionnaire. Le 08 mai 1945 alors que la seconde
guerre mondiale prend fin en Europe, en Algérie, des manifestations
nationalistes algériennes sont réprimées par l’armée française à Sétif
et Guelma. On dénombre 103 Européens tués, selon la source officielle
française 10 000 algériens et selon la source algérienne 45000. Suite au
Manifeste du peuple algérien de Ferhat Abbas en 1943, les élections
législatives de 1946 sont un succès pour l’Union démocratique du
Manifeste algérien (UDMA). Son parti remporte onze des treize sièges
réservés à l’Algérie à l'Assemblée nationale. La loi sur le statut de
l’Algérie est promulguée en septembre 1947 : l’Algérie reste composée de
trois départements et le pouvoir est représenté par un gouverneur
général nommé par le gouvernement français. Une Assemblée algérienne est
créée, composée de deux collèges de 60 représentants chacun. Le premier
sera élu par les Européens et une élite algérienne (diplômés,
fonctionnaires…) et le second par le reste de la population algérienne.
Enfin l'article 2 précise "l'égalité effective est proclamée entre tous les citoyens français".
En octobre 1947, le MTLD de Messali Hadj obtient une large victoire
lors des élections municipales entrainant la répression des autorités
françaises. En 1948 trente-six des 59 candidats du MLTD sont arrêtés.
Il est utile de préciser qu’au début du
XX siècle plusieurs leaders algériens revendiquent le droit à l'égalité
ou à l'indépendance. Plusieurs partis vont être créés et plusieurs
pamphlets seront écrits pour défendre les droits des Algériens.
Plusieurs penseurs algériens vont vilipender les plus importantes
personnalités du régime colonial français. La plupart des figures du
mouvement algérien vont être surveillées de près par les services
policiers français, d'autres seront exilées vers d'autres pays comme l'a
été l'émir Khaled El Hassani Ben El Hachemi en Egypte puis en Syrie.
Nous avons des figures et sans être exhaustif, Messali Hadj, Malek
Bennabi, Mohamed Hamouda Bensai, Ben Badis, Mohamed Bachir El Brahimi,
Larbi Tebessi, Ferhat Abbas, Omar Ouezggane etc. La question algérienne
est posée, encore qu’existe des divergences d’approche, avec la création
d’organisations comme le Parti de la réforme ou mouvement pour
l'égalité, l’Association des oulémas musulmans algériens, association de
l’Etoile nord africaine, le Parti du peuple algérien , les amis du
Manifeste des Libertés et le parti communiste algérien. À la suite de la
mort d’Abdelhamid Ben Badis en 1940 et à l'emprisonnement de Messaali
Hadj, en 1948, le parti Mouvement pour le triomphe des libertés
revendique le statut de l'égalité ou de l'indépendance des Algériens.
Les arrestations et les interdictions se multiplièrent. Dès lors, le
CRUA est fondé en mars 1954 et organise la lutte armée. Le parti du
Mouvement national algérien est fondé en juillet 1954 par les
messalistes. Le Front de Libération nationale (FLN) lui succède en
octobre 1954 par la branche du CRUA (Comité révolutionnaire d'unité et
d'action). Par la suite, existera une divergence entre la tendance de
Messali Hadj et celle du FLN, suite à l’échec de la médiation de Ben
Boulaid ce qui entrainera par la suite des luttes fratricides.
L'action armée va venir du CRUA. Le
déclenchement de la révolution algérienne a été décidé dans la Casbah
d’Alger et à Batna sous la présidence de Mostefa Ben Boulaid dans la
réunion des 22 cadres du Comité révolutionnaire d’unité et d’action
CRUA), qui sont Badji Mokhtar- Belouizdad Athmane- Benboulaid Mustapha,
Benabdelmalek Ramdane, Benaouada Amar, Ben M’hidi Larbi, Bentobbal
Lakhdar, Bitat Rabah, Bouadjadj Zoubir, Bouali Said, Bouchaib Ahmed,
Boudiaf Mohamed, Boussouf Abdelhafid, Derriche Elias, Didouche Mourad,
Habachi Abdesslam, Lamoudi Abdelkader, Mechati Mohamed- Mellah Rachid,
Merzougui Mohamed, Souidani Boudjema, Zighoud Youcef. L’une des
décisions stratégiques du groupe est la mise en place d’un découpage
territorial du pays en cinq zones coiffées par Mostefa Benboulaïd pour
la zone 1, Didouche Mourad pour la 2, Krim Belkacem pour la 3 - Rabah
Bitat pour la 4 et Larbi Ben M’hidi pour la 5, Mohamed Boudiaf assurant
la coordination et les relations avec l’extérieur. La déclaration du 01
novembre 1954 est émise à partir de Tunis. Dans la nuit du 1er novembre
1954 la caserne de la ville de Batna est attaquée par les moudjahidines.
Et c’est la guerre. 100 000 soldats français sont affectés dans les
Aurès et plus tard ils seront plus de 400 000 en Algérie. Le massacre de
Skikda (ex-Philippevillois) la mort d'une centaine de manifestants
algériens, eut lieu du 20 au 26 du mois d'août 1955. La même année, à
l'Assemblée générale de l'O.N.U, l'inscription de l'affaire algérienne
est à l'ordre du jour. Le Congrès de la Soummam organisé par Abane
Ramdane,Larbi Ben M’hidi, et Krim Belkacem le 26 aout 1956 au villages
Ighbal et Ifri dans la commune d’Ouzellaquen (Kabylie) a été déterminant
et a été l’ acte fondateur de l'État Algérien moderne et pilier
déterminant pour la réussite de la révolution Algérienne. "La primauté du politique sur le militaire" constitua
l'un des fondements du Congrès. Après le congrès de la Soummam,
l'Algérie a été divisée en six wilayas ou états-majors. Une wilaya est
divisée en quatre zones. Chaque zone est divisée en quatre régions. La
région est divisée en quatre secteurs. Le Conseil national de la
révolution algérienne CNRA désigné par le congrès de la Soummam se
composait de 34 membres : 17 titulaires et 17 suppléants Pour les
titulaires nous avons Mostefa Ben Boulaïd, Youcef Zighoud, Belkacem
Krim,Amar Ouamrane, Med Larbi Ben M’hidi, Rabah Bitat Mohammed Boudiaf,
Ramdane Abbane -Ahmed Ben Bella, Mohammed Khider, Hocine Aït Ahmed, Med
Lamine Debba-ghine- Idir Aïssat, Ferhat Abbas, M’hamed Yazid, Benyoucef
Ben Khedda, Taoufik El Madani. Après la condamnation de Larbi Ben M’hidi
et après le déroulement du Congrès de la Soummam, le FLN intègre les
dirigeants du mouvement national algérien (MNA). Plusieurs partis
algériens adhèrent à la cause du FLN. Les Aurès, le Constantinois,
l'Ouest de l'Algérie, la Kabylie, etc., seront les zones les plus
sensibles du point de vue stratégique et logistique. Les deux pays (le
Maroc et la Tunisie) sont sous protectorat français mais aideront le
FLN. Ils hébergeront les deux armées de l'ALN aux frontières.
La délégation des principaux dirigeants
du FLN Mohamed Khider, Mostefa Lacheraf, Hocine Ait Ahmed, Mohamed
Boudiaf, et Ahmed Ben Bella est arrêtée, à la suite du détournement, le
22 octobre 1956 par l'armée française, de leur avion civil marocain,
entre Rabat. En 1959, Messali Hadj sort de prison, il est assigné à
résidence. Les étudiants algériens s’impliquent. Après la création de
l’UGEMA en 1955 par Belaid Abdesselam, Mohamed Seddik Benyahia, Lamine
Khène, et Ait Chalal, la section locale de Montpellier élit à sa tête
Mohamed Khémisti ( futur ministre des affaires étrangères qui fut
assassiné durant la période Ben Bella). Des intellectuels français vont
aider le FLN comme Maurice Audin qui fut torturé et tué par les services
français, Franz Fanon s'engage auprès de la résistance algérienne.
Albert Camus, natif d'Algérie, fut un défenseur des droits des
algériens, dans les années 1940, avant de refuser de prendre position
pour l'indépendance avec cette phrase célèbre prononcée à Stockholm en
1957 : "Si j'avais à choisir entre la justice et ma mère, je choisirais encore ma mère".
Dès 1956, Jean Paul Sartre, et la revue Les Temps modernes prennent
parti contre l'idée d'une Algérie française et soutiennent le désir
d'indépendance du peuple algérien. La découverte de pétrole dans le sud
algérien favorise les convoitises et ainsi est annoncé le plan de
développement économique et social dit Plan de Constantine visant à la
valorisation de l'ensemble des ressources de l'Algérie, mettant en
relief les relations financières entre l'Algérie et la métropole (juin
1955) et les perspectives décennales du développement économique de
l'Algérie (mars 1958). Ce plan était surtout destiné à l'affaiblissement
politique du FLN. Les principaux objectifs fixés par ce plan sont la
construction de 200.000 logements, permettant d'héberger un million de
personnes ; la redistribution de 250.000 hectares de terres agricoles ;
le développement de l'irrigation ; la création de 400.000 emplois
industriels ; la scolarisation de tous les enfants en âge d'être
scolarisés à l'horizon de 1966 ; l'emploi d'une proportion accrue de
Français musulmans d'Algérie dans la fonction publique (10%) ;
l'alignement des salaires et revenus sur la métropole ainsi qu’une
d'industrialisation s'appuyant à la fois sur des aides directes et
indirectes aux entreprises privées investissant en Algérie (exemption de
certains impôts, subventions à l'investissement à hauteur de 10%),
l'aménagement de zones industrielles (notamment celle de Rouiba-Reghaïa,
sur 1100 hectares, à l'est d'Alger) et la mise en valeur des ressources
en hydrocarbures (pétrole et gaz naturel) découvertes dans le Sahara,
susceptibles de fournir des ressources d'exportation et une énergie bon
marché.
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