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samedi 3 décembre 2011

gouvernance et démocratie

Salomon : gouvernance et démocratie
Le principe de sens qui fait prendre conscience des Attributs divins comme miroir pour parer le Moi humain en quête de perfection et de beauté fait prendre conscience aussi à l'homme de ses limites, de sa finitude, de son incompétence devant l'absolu. Face à l'absolu l'orgueil, la suffisance, l'arrogance, l'injustice et l'ingratitude de l'homme doivent s'effacer pour laisser place à l'humilité de la foi et à l'humanité de la Fitra qui sait qu'elle a besoin de Dieu pour trouver la guidance. La raison invoquée par Descartes ou par le Pape Benoit contre le musulman est sans réponse devant le mystère de la vie et de la mort, du destin et de ses lois agissant au présent :

{Il détient les clefs du mystère qu’Il est Seul à connaître , Il sait ce que recèlent le sein de la terre et le fond de la mer. Nulle feuille ne tombe sans qu’Il le sache, et il n’est point de grain dans les entrailles de la terre ni de brindille tendre ou sèche qui ne soient mentionnés dans un Livre explicite ! } Al-An'am 59.



Celui qui détient toutes les clés livre certaines à sa créature comme un don divin, comme une épreuve, comme un rappel :

{Ne considèrent-ils donc pas les chameaux, comment ils ont été créés, et le ciel comment il est élevé, et les montagnes comment elles sont dressées et la terre comment elle est nivelée? Eh bien, rappelle!} al ghchiya 16

Quand Dieu dit à Salomon qu'il lui a donné une science et que Salomon rend grâce à Dieu pour cette science nous sommes au delà du connaissable par l'intellect et le perfect nous sommes mis devant la majesté divine devant qui se prosterne la création et par cette prosternation elle est élevée à un rang qui donne à la connaissance scientifique et à la gouvernance du monde une vision lucide et responsable :

{Dis : «Si la mer se changeait en encre pour transcrire les paroles de mon Seigneur, la mer serait assurément tarie avant que ne soient épuisées les paroles divines, dussions-nous y ajouter une quantité d’encre égale à la première.»} Al-Kahf 109.

{Quand bien même tous les arbres de la terre se transformeraient en plumes, et quand bien même la mer, grossie de sept autres mers, deviendrait un océan d’encre pour écrire la Parole divine, que Dieu aurait encore d’autres messages à transmettre ! Car Dieu est, en vérité, le Tout-Puissant, le Sage.} Luqman 27.

La science dite « profane » a pour vocation de répondre aux problèmes changeants de l'homme et qui varient en fonction des conditions socio-historiques et psycho-économiques. Elle vise à donner à l'homme les outils intellectuels et les instruments techniques qui augmentent son efficacité c'est à dire l'efficacité de sa pensée, de son travail, de ses arts, de ses richesses, de son capital temps pour vivre son époque et sa géographie comme vicaire de Dieu.

La science dite profane a un domaine spécifique théorique, pratique ou expérimental qu'elle ne saurait dépasser par ses propres limites comme elle ne saurait continuer à vivre en opposition avec la science des Prophètes car elle ne peut connaître l'homme, l'histoire, l'avenir et les forces agissant dans l'invisible et l'inaudible que les Prophètes connaissent. Les sciences « profanes » peuvent explorer, quantifier, mesurer, trouver les corrélations, les lois, les effets et les conséquences des facteurs et des paramètres dans le seul domaine de la matière qui reste à près de 97% totalement inconnue à toute la communauté scientifique mondiale.

L'invocation coranique de Mohamed est certes pour le musulman une invitation à quérir les sciences. Il serait faux d'y voir plus la science que le principe de sens. Ce principe de sens dans la personnalité humble de Mohamed porte en même temps la reconnaissance que le connaissant est infime devant la connaissance :

« Dis : mon Seigneur augmente ma science »

Il agit durant toute sa vie comme un livre de sciences que l'Archange Gabriel venait remplir, que l'expérience de vie venait accumuler et que les nobles compagnons pouvait y apporter leur part pour former avec lui une communauté de communion soit en posant des questions soit en proposant des solutions comme par exemple dans la Bataille du tranchée où c'est Selmane le Perse qui enseigna à Mohamed (saws) une technique de guerre ignorée des Arabes. Le musulman dont le cœur est illuminé par la foi devient assoiffé de connaissance. Il devient semblable au Prophète (saws) qui agit comme un réceptacle de science y compris sur le plan symbolique :

« Alors que j’étais endormi j’ai vu dans mon sommeil une coupe que j’ai apportée contenant du lait, j’en ai bu jusqu’à ce que j’aie vu quelque chose d’abondant se dégager de mes ongles, puis j’en ai donné le surplus à Omar ». Les personnes ayant recueilli ce dire demandèrent au Prophète : comment tu as interprété cela, ô Envoyé de Dieu ? Il répondit : « C’est la Science».

De même quand Dieu le transporta lors de l'Ascension nocture jusqu'à Sadrat al mountaha, le Jujubier ou Lotus des confins de l'univers, l'Archange Gabriel lui présenta trois coupes, une coupe remplie de vin, une coupe remplie de lait et une coupe remplie d'eau. Il choisit et but le lait. Sur quoi Gabriel lui dit : « Tu as su choisir la Fitra, la vraie nature primordiale ».

Salomon, Moise, Jésus, Mohamed et tous les Prophètes dont Adam furent créés connaissants et demandeurs de science :

{Lorsque Ton Seigneur confia aux Anges: ‹Je vais établir sur la terre un vicaire ‹Khalifat›. Ils dirent: ‹Vas-Tu y désigner un qui y mettra le désordre et répandra le sang, quand nous sommes là à Te sanctifier et à Te glorifier?› - Il dit: ‹En vérité, Je sais ce que vous ne savez pas!›. Et Il apprit à Adam tous les noms (de toutes choses), puis Il les présenta aux Anges et dit: ‹Informez-Moi des noms de ceux-là, si vous êtes véridiques!› (dans votre prétention que vous êtes plus méritants qu'Adam). Ils dirent: ‹Gloire à Toi! Nous n'avons de savoir que ce que Tu nous a appris. Certes c'est Toi l'Omniscient, le Sage›. Il dit: ‹Ô Adam, informe-les de ces noms;› Puis quand celui-ci les eut informés de ces noms, Allah dit: ‹Ne vous ai-Je pas dit que Je connais les mystères des cieux et de la terre, et que Je sais ce que vous divulguez et ce que vous cachez?› } al baqara 30

Par sa nature primordiale, Mohamed chaque fois qu'on lui offrait du lait, il disait : « O Dieu, bénis-nous en ceci et donne-nous-en davantage! » car symboliquement il voit le lait sortant des mamelles comme la forme apparente de la science coulant de sa source originelle et comme le rappel symbolique de toujours demander l'augmentation de la science et de la connaissance. Et lorsqu'on lui apportait autre chose que du lait, il disait : « O Dieu, bénis-nous en ceci et nourris-nous par ce qui est meilleur: »

L'islam ne peut être tenu pour responsable de l'ignorance, de l'analphabétisme et du mimétisme littéral qui font perdre la vocation de civilisés et de civilisateurs du musulman qui n'est plus Khalifat de Dieu. Le Grand savant Hassan al Basri qui a fait son apparition à une époque où le monde musulman avait perdu sa ferveur religieuse, la science et le sens de la foi pour s'occuper de futilités, de mondanités et de luttes sectaires a dépeint la maladie et le remède : « Ils ont recherché l'adoration avant la science et cela les a conduits à verser le sang des musulmans or s'ils avaient cherché à acquérir la science en premier, elles les aurait conduits là où elle a conduit leur prédécesseurs ».

Les Musulmans ont-ils d’autre choix que de s’intégrer dans la civilisation occidentale et dans son système économique mondialisé au nom de l'acquisition de la science sous prétexte que l'islam est en contradiction avec l'esprit scientifique moderne? La réponse a déjà été donnée symboliquement par celui qui a partagé le lait avec le Prophète (saws) : Omar Ibn Al Khattab qui a dit dans un de ses hadiths : « Nous sommes une nation qui était avilie et que Dieu a élevé par l’Islam. Chaque fois que nous cherchions à être glorifié par autre chose que l’Islam, Dieu va nous avilir ».

La question qui se pose aujourd’hui est la suivante : Est-il permis aux musulmans alors qu’ils ont atteint un tel niveau de régression par rapport aux valeurs de l'islam et un tel niveau de vassalité vis-à-vis de la civilisation occidentale, de se donner une marge de manœuvre pour jouer un rôle historique dans un monde où la prééminence des sciences et des technologies est un fait acquis ? Peuvent-ils prétendre disposer d’un projet civilisationnel islamique offrant les caractéristiques de viabilité, de faisabilité et d'efficacité dans le mondialisme conduit par l'impérialisme américain? Occurrences d'Adam et héritiers des Prophètes nous avons toutes les capacités pour devenir ce qu'on doit devenir. Nos élites et celles de l'Occident nous montrent le fossé entre nous et l'occident infranchissable.

Cela fait partie de la guerre idéologique de nous emmener à poser la question sur l'islam s'il permet ou non de doter le musulmans des conditions objectives lui permettant de produire le savoir et la technologie. La question réelle que nous ne voulons pas nous poser pour ne pas déplaire à nos maitres et ne pas réveiller nos peuples : est-ce que le nouvel ordre mondial impérial le permet?

{Nous leur avions bien donné l’ouïe, la vue et l’intelligence , mais ni l’ouïe, ni la vue, ni l’intelligence ne leur furent d’aucune utilité} al ahqaf 26

{Voulez-vous que Nous vous apprenions lesquels sont les plus grands perdants, en oeuvres? Ceux dont l'effort, dans la vie présente, s'est égaré, alors qu'ils s'imaginent faire le bien} al kahf 103.

Le néo colonialisme ne peut nous voir que comme comptoir commercial ou entrepôt de stockage de ses déchets et rebuts et il ne peut pas nous aider, contre toute logique, d’être hautement compétents et compétitifs pour le rivaliser sur les marchés, la production, la géostratégie et la science. L'Iran a parfaitement compris les leçons et son Président Ahmadi Najad résume bien la problématique : " L'Occident n'a pas peur de notre armement mais il a peur de notre volonté à maîtriser le savoir".

Il y a une question que nous devons nous poser sans demander la permission : Quelle est la force qui a propulsé l'Allemagne vaincue à devenir la première puissance européenne dix après la fin de la guerre alors qu'elle était complètement détruite économiquement, industriellement et moralement par l'humiliation de la capitulation. On nous parle du plan Marshall faisant oublier l'effort purement germanique qui a relevé l'Allemagne bien avant la récupération américaine. La Chine communiste n'est-elle pas une leçon sur l'art de lever les défis. Quand un de ses ministres est venu lui annonçait avec un air catastrophé : « la Chine vient d'avoir un milliard de bouches à nourrir » Mao a répondu avec superbe et confiance : « Elle vient d'avoir deux milliards de bras pour travailler ». Il nous manque le sens du devoir et aussi la conscience de savoir que nous avons en notre possession ce que ni la l'Allemagne ni la Chine n'ont jamais eu : une jeunesse, des richesses naturelles et une religion qui nous invite à la science et à l'action pour transformer ce monde en avant goût du paradis :

{ Le pays de Saba portait en lui la marque de la bonté divine : deux jardins qui s’étendaient de part et d’autre. «Mangez, leur fut-il dit, de ce que Dieu vous a accordé, et soyez-Lui reconnaissants : contrée heureuse et Maître Clément.»} Saba 15.

Au lieu de nous inspirer des allemands et des chinois nous sommes allés quêter des kits de développement comme des indigènes toujours colonisables auprès de nos anciens maîtres toujours colonisateurs et arrogants. Nous ressemblons à ces ingrats de Saba et d'autres contrées qui ne voyaient pas les bienfaits dont ils ont bénéficié par manque de science et de clairvoyance transformant ainsi leur potentiel en malheurs :

{Mais ils se détournèrent. Nous déchaînâmes contre eux l'inondation du Barrage, et leur changeâmes leurs deux jardins en deux jardins aux fruits amers, tamaris et quelques jujubiers.} Saba 16.

Si nous parvenions à prendre courage de renverser la problématique nous comprendrions que l'inconscience et l'ignorance sont la cause de la faim et de l'insécurité qui règne dans nos pays qui ont confié leurs ressources au capitalisme pour sauvegarder les privilèges d'une minorité de nantis incapables de bien gouverner et inaptes à acquérir la science car il leur manque non seulement la condition morale mais le projet de civilisation :

{Dieu propose la parabole d’une cité qui vivait dans la paix et la tranquillité, et vers laquelle coulaient à flots des richesses de toutes parts. Or, elle méconnut les bienfaits de son Seigneur, qui, en punition de ses méfaits, lui fit connaître les affres de la faim et de la peur.} An-Nahl 112.

Il y a une question que se pose tous les hommes amoureux de vérité quand ils voient un pays libéré du colonialisme après des décades de luttes se mettre à genoux de nouveau devant un despote lui-même a genou devant l'ancien colonisateur : pourquoi et comment? Cette interrogation qui " plonge l'homme intelligent et patient dans la perplexité et le désarroi" trouve réponse dans le comportement inique et corrupteur des élites qui ont oublié Dieu et qui les a fait oublier en leur égoïsme :

{Mais dès que Dieu les sauve, ils se remettent à commettre des injustices sur la Terre. Ô hommes, vos injustices ne retomberont que sur vous-mêmes ! } Yunus 23.

{vous vous dites : «Comment avons-nous pu mériter cette disgrâce?» Dis-leur : «Vous ne devez vous en prendre qu’à vous-mêmes !»} Ali imran 168.

L'impérialisme et le capitalisme matérialistes conjugués à notre démission sont l'obstacle qui se dresse contre la récupération de notre dignité et non l'islam. En fuyant les véritables questions on fait le jeu des ennemis de l'islam et des dictateurs en continuant à développer à échelle élargie les conditions du sous-développement et de la colonisabilité. Refusant la lutte idéologique pour l'indépendance et pour la retour de l'islam nous luttons contre nos valeurs et notre mémoire pour empêcher l'émergence des conditions morales et des conditions matérielles pour produire notre savoir, notre élite, nos idées, nos richesses et notre destin.

A tous les niveaux, gouvernants et gouvernés, nous favorisons la corruption, le laxisme, l'immoralité et la quête de faux problèmes et de fausses solutions alors que l'islam avec son Coran et sa Sunna nous disent où se trouvent la clé ou la faille selon notre système de représentations :

{Si vous faites le bien, vous le ferez pour vous-mêmes , si vous faites le mal, vous le ferez à vos dépens.} Al-Isra 7.

« Par celui qui teint mon âme dans Sa main, vous commanderez le bien et interdirez le mal ou bien vous ne serez certainement pas loin de voir Dieu envoyer sur vous un châtiment venant de Lui. Vous L’invoquerez alors et Il ne répondra pas à votre appel ».

Il est inadmissible que nous puissions accepter la division actuelle du monde comme fatalité, d'un côté l'Occident opulent et arrogant, de l'autre côté le reste du monde pauvre, ignorant et humilié. Dieu a réparti, en toute justice, l’intelligence entre les différentes contrées, les différentes nations et les différents peuples. Le musulman n'est ni stupide ni impuissant ni déméritant mais ce sont les conditions morales et matérielles qui font les clivages entre les nations. Il nous faut changer en notre faveur ces conditions morales et matérielles pour mettre fin au clivage Le musulman doit revenir vers Dieu, se purifier pour être d'une bonne moralité et s'impliquer dans l'apprentissage et l'innovation technique et technologique comme l'ont fait les allemands à la sortie de la seconde guerre mondiale, les japonais et les chinois par le compter sur soi. Contre toute logique le monde musulman a confié sa destinée morale, politique, culturelle et scientifique entre les mais de l'Occident qui non seulement était son ancien colonisateur mais qui lui aussi a perdu le critère moral d'être un modèle civilisateur pour les autres.

L'Occident que nous vénérons est un accident dans l'histoire de l'humanité comme le souligne le dramaturge tchèque Vaclav Havel: « La civilisation contemporaine est, par essence, profondément athée. Elle est en fait la première civilisation athée de l'histoire humaine et, en même temps, la première civilisation qui englobe la planète tout entière. La nature athée de cette civilisation coïncide avec la poursuite exacerbée des intérêts individuels. »

L'Occident va à la ruine du monde car perdant la foi et la vision humaniste sur l'homme il a mis la science produit de son intelligence limitée comme dogme montrant la finalité de l'homme, instrument de sa propre mesure et norme de sa propre référence morale. Les sociétés occidentales ont réduit leurs désirs au seul horizon terrestre et matériel. Non seulement elles refusent la Transcendance mais la combattent comme elles combattent tout ce qui n'est pas un produit de l'opinion occidentale ethnocentrique. Les rares à échapper à la crise matérialiste de l'Occident ne trouvent pas écho a rappeler la nécessite du spirituel et à l'expliquer comme courant transcendant qui porte l'homme l'empêchant d'aller vers le cynisme de l'absurdité et le nihilisme du néant. En rupture avec les conditions morales et spirituelles de la civilisation l'Occident a plongé corps et âme dans la matière et la jouissance mondaine, ne voyant plus le ciel il ne croit plus ni à l'idéal, ni à l'espérance, ni à l'au-delà.

L'Occident a remplacé le cœur à croire et à aimer par une grande usine à rêver de choses à consommer et de spectacles à gaspiller le temps et à empêcher de penser. Malraux avait vu le gouffre dans lequel l'Occident allait faire plonger l'humanité : « Nous sommes dans une civilisation qui devient vulnérable dans ses rêves, car ce qui est le plus puissant sur les rêves des hommes, ce sont les anciens domaines sinistres qu'on appelait "démoniaques", le domaine du sexe et le domaine du sang, et, dans ces domaines, les dieux sont morts mais les diables sont bien vivants ».

L'OTAN sous la férule étasunienne est en train de mener une troisième guerre mondiale pour les valeurs occidentales de démocratie et de liberté et pourtant une de ses intelligences les plus vives, Noam Chomsky, dénonce la conception et la pratique de la démocratie par les élites dirigeantes occidentales : « la démocratie est un système dans lequel les gens sont des spectateurs, et non des acteurs. A intervalles réguliers, ils ont le droit de mettre un bulletin dans l’urne, de choisir quelqu’un dans la classe des chefs pour les diriger. Puis, ils sont censés rentrer chez eux et vaquer à leurs affaires, consommer, regarder la télévision, faire la cuisine, mais surtout ne pas déranger. »

Sur les valeurs occidentales, Patrice de Plunkett citant Brune et Soljetsine, nous dit : « c'est le marché qui détermine les valeurs morales et le futur de la Cité. Le matérialisme capitaliste de l'Occident a fait croire qu'il était en mesure de réaliser le déracinement universel, mieux que ne pouvait autrefois le matérialisme socialiste de l'Est. L'idéologie léniniste était "totalitaire"; l'idéologie capitaliste anonyme est "totale" dans la mesure où elle touche les moindres aspects de notre existence quotidienne avec l'objectif d'influencer tous nos comportements. Elle est totale aussi par la multiplicité de ses sources : la logique de la satisfaction immédiate, propre au système marchand; la logique technicienne, qui asservit aujourd'hui jusqu'au politique et aux sciences du vivant; et le très vieux désir d'exploitation de l'homme par l'homme, dilaté comme jamais par la logique de la société de masse.

Il montre, à travers son expérience d'ancien rédacteur en chef du Figaro, comment à travers le médiatique, l'idéologie capitaliste matérialiste « anonyme » manipule les foules, en substituant à la recherche du sens l'étourdissement du choc, du rythme et de la dislocation, et en assujettissant l'information aux techniques de l'esbroufe, propres à la « communication » marchande. L'objectif est d'amener l'individu à ne plus réagir qu'en consommateur. Le résultat est de rendre l'individu consommateur ductile et narcissique. Sa mémoire est perpétuellement disqualifiée, au nom du «toujours nouveau »; à chaque instant, l'idéologie anonyme dit: «Tout le monde fait comme ça» et ajoute : «Voilà ce que tu es ». C'est ainsi que la rationalité marchande coupe les peuples de leurs racines et capte, en les détournant, les aspirations individuelles. Relayant les leitmotive de cette fin de siècle, le médiatique se trouve en conflit avec le spirituel.

Cette maladie de l'Occident n'est pas conjoncturelle, comme les crises du capitalisme elle est structurelle. Patrice de Plunkett distingue justement deux phases dans le matérialisme occidentale : « Au temps des Lumières (phase ascendante de la Raison), c'était le cri d'une ambition intellectuelle ; au crépuscule du XXe siècle, c'est le mot d'ordre d'une démission mentale. Ce que rejette — en réalité — la société marchande est la simple notion d'héritage (spirituel, artistique, intellectuel, moral) ; on lui oppose une fausse «spontanéité », conditionnée par les modes, comme si l'homme pouvait penser en effaçant le sillage historique de la pensée : « en temps réel », selon la formule à la mode depuis plusieurs années. »

L'illusion des sciences humaines de l'Occident comme subsitut à la spiritualité est souligné par le philosophe français Paul Ricoeur : « l'impasse du XXe siècle est d'avoir cru en la possibilité de changer la nature humaine. ».

Quand les grands noms de l'Occident se révoltent les intellectuels musulmans modernisant font le contraire : ils cherchent le consentement, la compromission et la complaisance. Ils parlent de science en visant la nécessite de réformer l'islam et ils oublient de citer la vérité scientifique immuable du rapport entre l'islam et l'Occident judéo-chrétien :

{ Tu ne seras agréé ni des juifs ni des Chrétiens que lorsque tu auras suivi leur confession (leur voie). Dis : «Il n’est d’autre voie de la vérité que Celle de Dieu !» Cependant, si par hasard tu accédais à leurs désirs, après la science que tu as reçue, tu te trouverais devant Dieu sans défense ni secours.} Al-Baqara 120.

Cela signifie t-il que nous devons vivre en autarcie? Non ! Cela signifie que nous devons vivre dans la dignité et le compter sur soi. La science et la technologie ne sont pas neutres, elles véhiculent une vision du monde, une culture, une idéologie. Nous ne pouvons emprunter la voie des autres que si nous sommes suffisamment forts et lucides pour discerner l'artefact de l'intention, l'outil de sa culture d'utilisation. Il n'y a pas de science islamiques et de sciences non islamiques il y a la science et il y a l'impératif pour le musulman qui veut se développer en autonomie mais sans autarcie d'islamiser l'individu, l'école et l'environnement qui acquiert puis produit la science comme comme cela a été fait pour les sciences grecques, chinoises, perses, hindoues et byzantines par la civilisation musulmane.

Replacer le know how technologique et les sciences dans notre cadre moral et culturel est le passage obligatoire non seulement de l'indépendance mais le passage pour produire de la pensée et de la science. Analyser un savoir, le trier, en extraire l'utile et l'essentiel exige un savoir élaboré. Ce savoir passe par la confiance en soi et par le désir de ne pas être un consommateur de produits de la connaissance des autres mais d'être un acteur de sa civilisation distinctive de celle des autres. Le caractère distinctif ne veut pas dire anti occidental mais signifie tout simplement le droit à la différence et le refus de l'indifférenciation. Il nous faut choisir notre voie, notre orientation et notre identité : être nous-mêmes, être autrui, être ni l'un ni l'autre :

{À toi aussi Nous avons révélé le Coran, expression de la pure Vérité, qui est venu confirmer les Écritures antérieures et les préserver de toute altération. Juge donc entre eux d’après ce que Dieu t’a révélé. Ne suis pas leurs penchants, loin de la Vérité qui t’est parvenue. À chacun de vous Nous avons tracé une voie (méthode et direction) et établi une règle de conduite (loi) qui lui est propre. Et si Dieu l’avait voulu, Il aurait fait de vous une seule et même communauté , mais Il a voulu vous éprouver pour voir l’usage que chaque communauté ferait de ce qu’Il lui a donné. Rivalisez donc d’efforts dans l’accomplissement de bonnes œuvres, car c’est vers Dieu que vous ferez tous retour, et Il vous éclairera alors sur l’origine de vos disputes.} Al-Maidah 48.

L'émancipation vis-à-vis de l'Occident n'est pas facile. Gaza et le HAMAS nous montrent que ce n'est pas facile mais que c'est possible. Produire ses roquettes, même si on les appelle de gros pétards, dans les conditions de l'embargo prouve que l'esprit musulman est capable de réfléchir et ses bras sont capables de travailler. L'homme aspirant à la dignité, à la liberté et à la grandeur est, comme le dit Nietzsche, une l'aptitude de « sortir du désespoir le plus profond l'espoir le plus indicible ». Tout autre voie ne conduit qu'à l'usure des efforts et au meilleur des cas à l'entassement de choses industrielles ou scientifiques dont le fonctionnement, l'entretien, la production et le développement appartiennent aux autres cachés en partie dans les bibliothèques et en partie dans les esprits en ébullition.

Notre libération passe par la prise de conscience de ce qu'on sait et de ce qu'on doit savoir. Cette conscience est génératrice de savoir car elle transforme notre rapport au savoir et notre rapport au monde dont le contact produit nécessairement du savoir pour celui qui a la conscience vive. Salomon et David ont manifesté leur possession de la science et ont surtout manifesté le privilège d'être conscient de ce privilège et des responsabilités et des efforts qui en découlent.

Comme le remarque Malek Bennabi : « Le monde musulman n'est pas un groupe social isolé, susceptible d'évoluer en vase clos. Il figure dans le drame humain à la fois comme acteur et comme témoin. Cette double participation lui impose le devoir d'ajuster son existence matérielle et spirituelle aux destinées de l'humanité. pour s'intégrer effectivement, efficacement à l'évolution mondiale, il doit connaître le monde, se connaître et se faire connaître, procéder à l'évaluation de ses valeurs propres et de toutes les valeurs qui constituent le patrimoine humain. »

Pour ma part, sur le plan scientifique et technologique, la relation avec l'Occident doit être une relation de partenariat contractuelle avec des droits et des devoirs mutuels et réciproques sinon le recours à l'assistance étrangère doit demeurer conjoncturelle, palliatif et d'appoint mais en aucun cas systématique et allant contre l'initiative intérieure qui pour le moment ne peut être compétitive. Le plus grand savoir est d'évaluer les objectifs, les moyens et le temps pour une renaissance musulmane sur une ou deux décades et impliquant de grands ensembles si on ne peut pas faire converger toutes les nations musulmanes ou arabes.

. L'éducation nationale doit être performante dans le sens où elle ne se contente pas de dispenser des cours mais de former des vitualités c'est à dire des graines de génies, des civilisés, des civilisateurs moralement intègre et conscient de l'effort à déployer dans une bataille civilisationnelle avec l'Occident s'il veut être un partenaire ou contre lui s'il maintient son arrogance et son monopole. La nature actuelle de l'Occident ne semble pas favoriser le partenariat comme le préconise l'islam :

Le savoir qui doit être dispensé est comme le dit l'imam Ali : « Instruisez vos enfants non pas selon les exigences de votre époque mais selon les exigences de la leur ». Il faut accepter, loin de la politique américaine qui veut faire disparaitre l'islam ou du moins le rendre docile de réviser tous nos programmes d'enseignements et toutes nos méthodes pédagogiques pour former des têtes bien faites selon le principe kantien " apprendre à formaliser et non apprendre des formalismes. Le statut de l'enseignement doit être revu. L'enseignement doit trouver de meilleurs conditions de travail, un perfectionnement et recyclage, une formation sur la psychologie et la pédagogie pour gérer des classes efficacement, un allègement des matières, une disponibilité pour écouter l'apprenant et partager avec lui des temps pour apprendre à mettre en place des stratégies d'apprentissage.

L'enseignant ne doit pas être un simple vendeur de lettres et de chiffres mais un théoricien par le retour d'activité en produisant de la réflexion sur son activité et en la confrontant à celle des ses collègues pour capitaliser la science pédagogiques et didactiques. Il faut rompre avec l'isolement de l'enseignement dans le seul espace formatif et en faire un véritable praticien rémunéré dans sa discipline pour qu'il puisse apporter l'esprit de compétition professionnel et répondre aux exigences de la vie professionnelle et non à un livre pédagogique fait par une commission en retard, en déboitement ou en oubli des réalités technologiques, scientifiques et méthodologiques du monde du travail.

Nos universités et nos écoles doivent rompre avec le savoir académique stérile qui délivre des diplômes au lieu de former des compétences pour transformer et améliorer le monde en étant en prise directe et continue avec le monde du travail. Les écoles allemandes sont en avance sur les écoles européennes en matière de cursus intégrant études théoriques et études pratiques en milieu scolaire et en milieu professionnelle. L'école musulmane était en avance sur le reste du monde car du temps du Prophète les compagnons apprenaient dix versets, les comprenaient puis les mettaient en application avant d'en apprendre dix autres. Il faut revenir aux sources non pas dans le discours mais dans la praxis sociale, éducative et universitaire.

Les jeunes ne doivent pas se trouver démunis dans l'orientation ou la réorientation dans les cursus de formation. Des conseillers d'orientations maitrisant la psychologie, la communication, le monde du travail doivent être formés et mis sur le marché du travail avec pour mission informer, orienter, expertiser les besoins et trouver le compromis entre la demande et l'offre de formation. A cet effet ils doivent intervenir en amont dans le travail de planification et de programmation des plateaux techniques pédagogiques et didactiques.

L'objectif est davantage un travail de lutte contre la bureaucratie et la fonctionnarisation pour garantir l'émergence de talent ayant une culture scientifique et l'esprit de sens qui garantissent l'indépendance, la qualité de la formation et l'efficacité du formé.

La problématique est d'ordre civilisationnel : l'émergence d'une nation qui fait du savoir un véritable forquane, un discriminant reconnu, transparent et scientifique. Le caractère scientifique doit donner à la procédure les garanties de libertés vis à vis de l'extérieur et les garanties de soutien et de transparence des pairs vis à vis de l'intérieur. La transparence, la compétence, la liberté, l'implication dans une mission d'intérêt public, l'équité et la justice sont les meilleurs critères pour dégager une élite reconnue et incontestée apte à assurer la relève et à prendre l'initiative pour créer des laboratoires de recherche sur des critères objectifs et impartiaux :

{quiconque suit Mon guide ne s'égarera ni ne sera malheureux. Et quiconque se détourne de Mon Rappel, mènera certes, une vie pleine de gêne} taha 124

L'islam a donné le cadre éthique et esthétique des sciences qui ne peuvent prétendre à la légitimité et à la validité que subordonnées à l'esprit de sens :

« O mon Seigneur! Je cherche refuge contre Toi d'une science sans bienfait (sans utilité sociale et sans profit pour l'humanité), d'un cœur sans humilité, d'un ego insatiable et d'une invocation non exaucée »

Cette invocation de Mohamed répond à la nature de la science de Salomon et du musulman. Une science en liaison avec le Créateur et au service des créatures sans arrogance et sans prétention. L'illusion que la science explique tout et apporte toutes les solutions a été dénoncé par Youssef Qaradawi qui cite dans « la foi et la vie » le plus grand historien et spécialiste des civilisation l'anglais Arnold Toynbee qui écrit : «Les arts de l'industrie ont trompé leurs victimes, les poussant à lui abandonner la direction de leur être en leur vendant les `nouvelles lampes' en échange des 'anciennes lampes'. Pris à l'hameçon, les gens ont vendu leur âme en échange du cinéma et de la radio. Le résultat de la destruction de la civilisation causée par cette 'nouvelle donne' a été un désert spirituel, ce que Platon appelait 'la société des pourceaux' et qu'Aldous Huxley a appelé `le meilleur des mondes ! […] L'Occidental peut, grâce à la religion, avoir un comportement spirituel tout en assurant sa sécurité par la force matérielle que la mécanisation de l'industrie occidentale a mise entre ses mains. »

Qaradawi cite le philosophe et poète musulman Mohammed Iqbal qui écrit : « L'homme moderne, avec ses philosophies critiques et sa spécialisation scientifique, se trouve dans une impasse. Sa progression naturelle lui a donné un pouvoir sans précédent sur les forces de la nature, mais l'a en même temps dépouillé de sa foi en son propre destin.

L'homme moderne, que fait vivre son activité intellectuelle, a cessé d'orienter son âme vers la véritable spiritualité, c'est-à-dire vers une vie spirituelle qui vibre aux profondeurs de l'âme. Dans l'arène de la pensée, il est en conflit ouvert avec lui-même, tandis que dans l'arène de la vie économique et politique il est en lutte ouverte avec les autres. Il se trouve incapable de refréner son amour insatiable pour l'argent, qui tue peu à peu en lui tout penchant noble et ne lui apporte que lassitude. Il est tellement pris par 'la réalité extérieure', c'est-à-dire ce qui est perceptible aux sens, qu'il a perdu tout lien avec les profondeurs insondables de son existence. »

La science ne peut s'opposer à la religion ni la nier ni la remplacer. L'universel veut qu'elle soit en harmonie et que le savant ne se substitue pas à Dieu mais qu'il reste à l'écoute de Dieu dans sa conscience, dans le monde, dans son insuffisance à percer le mystère. Sa vocation est d' exprimer sa gratitude à Dieu comme David et Salomon et à l'humilité à laquelle les invite le Coran :

{Ne vois-tu pas que Dieu fait tomber du ciel une eau par laquelle Nous faisons sortir du sol des plantes qui donnent des fruits de couleurs différentes? Et dans les montagnes aussi, il y a des stries de diverses couleurs, blanches et rouges aux tons variés, ainsi que des roches d’un noir foncé. Sont également de couleurs différentes les hommes, les animaux et les bestiaux. Et c’est ainsi que, de tous les serviteurs de Dieu, seuls les savants Le craignent véritablement.}Fatir 28.

La science, une fois de plus, pour nous les musulmans engagés dans la voie du développement, est davantage une affaire de sens civilisateur que de technique ou de technologie qui sont des instruments et non des fins. Oubliant l'homme et sa quête de sens nos élites ont fait de l'acquisition scientifique et technique un tremplin social pour donner naissance selon l'expression de Malek Bennabi à « une instruction qui ne pouvait donner naissance qu'à des monstres alphabètes clairsemés dans la masse analphabète du peuple... Le résultat de cette falsification est en chair et en os, sous nos yeux : c'est l'intellectomane.

Il y a trente ans nous connaissions un seul mal bien curable : l'ignorance, l'analphabétisme. Aujourd'hui, nous connaissons un nouveau mal plus difficile à guérir : l'intellectomanie, l'alpha-bêtisme... Le cerveau de l'intellectomane ne recueille pas la science pour en faire de la « conscience » mais pour en faire un gagne-pain, un tremplin électorale, une déliquescence, de la fausse monnaie intellectuelle.

Son ignorance est plus dure que l'ignorance ordinaire, parce qu'elle s'est endurcie des lettres alphabétiques. A tout moment il peut dire « oui » indifféremment comme il peut dire « non » parce qu'à vrai dire, tous les mots ne sont pour lui que des mots et ils sont synonymes, s'ils ont le même nombre de lettres... C'est un infirme, c'est un mineur chronique... Il faut d'abord rétablir la culture sur son plan, afin que l'intellectomane se dissipe de notre horizon, ainsi que d'autres images. Pour cela il faut la définir comme facteur historique pour la comprendre et ensuite comme programme pédagogique pour la réaliser ».

Le verset 15 de la sourate la Fourmi (an naml) montre effectivement que la science dont il s'agit réellement n'est pas celle de l'intellectomanie ni de l'intellect-illusion ni de l'intellectualisme ni du fonctionnaire du scientisme. Cette science est un don divin :

{Nous avons effectivement donné à David et à Salomon une science} an naml 15

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