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dimanche 25 septembre 2011

le CNT oeuvre pour les intérêts de l'Otan et des puissances impérialistes!

FARID ALIBI, PROFESSEUR DE PHILOSOPHIE POLITIQUE EN TUNISIE
«Le CNT représente l'Otan et non le peuple libyen»
Par Kamel LAKHDAR-CHAOUCHE

Ben Ali est parti, mais l'édifice de son système existe toujours, notamment dans les rouages de l'administration tunisienne, a soutenu Farid Alibi, professeur de philosophie politique à l'Université de Kairouan (Tunisie). M.Alibi note que la révolution de son peuple est arrivée à la croisée des chemins. Décortiquant la crise libyenne, le professeur juge que les représentants de la révolte contre Mouamar El-Gueddafi sont les supplétifs de l'Otan. Dans le même contexte, il estime que seule la position algérienne est salutaire et claire.

L'Expression: Qu'en est-il de l'évolution de la transition démocratique en Tunisie?
Farid Alibi: Aujourd'hui, la Tunisie se trouve à la croisée des chemins. Elle est devant un mur. La révolution semble être dans une impasse. Et même sa dynamique est dans une sorte de va-et-vient, d'avancées et de reculs. Le peuple commence à s'inquiéter, à se poser des questions. Ils ont le sentiment que leur révolution va droit dans le mur, car il n'y a pas de perspectives claires. Cela est dû à l'absence d'organisations politiques qui auraient été à l'avant-garde des mouvements. Cette organisation politique détruite par le régime de Ben Ali peine, à l'heure actuelle, à retrouver ses repères et une voie de salut. D'autant plus que celle-ci est aujourd'hui menacée aussi bien par les hommes de Ben Ali, qui sont toujours aux commandes, et la montée en puissance des islamistes. C'est dire que les forces juvéniles à l'origine de la révolte en Tunisie sont fragiles et manquent d'encadrement et d'une élite éclairée en mesure d'assurer et de garantir aux Tunisiens une ascension à une deuxième République telle que revendiquée par la rue tunisienne.

Donc, vous pensez que le régime de Ben Ali est toujours en place?
Effectivement, le régime bâti et instauré par Ben Ali est toujours aux commandes. Ce sont les hommes de Ben Ali qui dirigent la Tunisie. Ils sont là et décident de tout. Donc, le régime décrié demeure intact quoique Ben Ali ce dernier soit déchu, mais rien n'a changé. Ce qui signifie en d'autres termes que Ben Ali n'a pas quitté le pouvoir. Un système comme celui qu'il a mis en place ne peut pas tomber si facilement et en quelques mois. Ses hommes sont aux commandes et la mécanique bien huilée du parti au pouvoir, le RCD, tourne toujours aussi bien. Il faut continuer de relayer les demandes des Tunisiens qui souhaitent s'exprimer librement. Rien n'est acquis. L'opposition se déchire déjà sur l'attitude à tenir: jouer le jeu d'un gouvernement de transition imparfait ou refuser au risque de faire échouer la révolution amorcée dans la rue. Les symboles du RCD ont été recyclés dans le gouvernement provisoire, les figures du mouvement social se sont heurtées à un plafond de verre, qui les a laissées en dehors des instances de réforme. La population voit aussi que les pratiques policières sont toujours les mêmes, que le pouvoir est entre les mêmes mains, que, finalement, on a bien voulu feindre de sacrifier les Ben Ali pour que le système perdure, pour mieux épargner les milliers de «Ben Ali» qui font vivre l'appareil d'État.

Les hommes de Ben Ali sont-ils donc encore au pouvoir?
Détruire le régime de Ben Ali n'est pas le seul fait d'écarter certains symboles du régime de Ben Ali de la vie politique. Aujourd'hui, la bourgeoisie continue de faire des affaires sur le dos des travailleurs, les puissances impérialistes continuent de noyer le pays dans de nouvelles dettes présentées comme des aides, et ceux des dirigeants du RCD, qui ont été chassés par la porte, pourront revenir par la fenêtre si tout ce système n'est pas remis en cause et s'il n'y a pas d'alternative politique construite. Voilà, donc, toute la difficulté que traverse le processus révolutionnaire tunisien aujourd'hui: ne plus se contenter du «dégage» et construire cette alternative politique. Donc, la révolte des Tunisiens est au début d'un processus qui prendra des années pour se constituer et se former pour assurer une transition en mesure de traduire les revendications du peuple. Et puis, il faut dire aussi que les Tunisiens se battent contre un système impérialiste mondial, qui soutient et maintient indirectement et dans l'ombre les piliers du régime de Ben Ali, responsable de l'application de tous les plans des grandes puissances impérialistes qui ont totalement soumis l'économie tunisienne aux diktats du FMI et de la Banque mondiale et aggravé les conditions de vie et de travail de millions de travailleurs.

La menace islamiste pèse-t-elle réellement sur l'avenir de la démocratie en Tunisie?
En effet, la menace des islamistes est lourdement ressentie en Tunisie. Elle est, désormais, exprimée et assumée ouvertement par ses auteurs. Dans les places publiques et lieux de culte, ils sont nombreux à prêcher leur vision fanatique. La menace des islamistes voulant récupérer et confisquer, à tout prix, les acquis de la révolte des Tunisiens ayant déchu Ben Ali, est aujourd'hui, une réalité que personne ne peut nier. Les islamistes radicaux sont présents à tous les niveaux de la vie en Tunisie. Ils occupent, de plus en plus, la scène publique tunisienne. Ils comptent de très nombreux partisans au sein d'une partie de la population, croyante, avide des solutions qu'ils pourraient apporter à la dégradation de leurs conditions de vie, et inquiète d'une modernisation de la société qu'ils perçoivent comme dissolue.
La démocratie! Ce rêve auquel chaque Tunisien aspire depuis la chute de Ben Ali est plus que jamais menacé par ces extrémistes dont le parti d'Ennahda est partie prenante. Cela dit, la révolution a ouvert la porte aussi bien pour les esprits illuminés tentant de construire un avenir meilleur en Tunisie, que pour les esprits bornés et fanatiques dont le seul but est de réduire le pays au chaos. La menace vient en effet, des islamistes. Ces derniers ont été décapités par l'époque de Ben Ali.
Mais les voilà de retour à la surface et plus redoutables que jamais! Et ce n'est que le commencement! Les islamistes refusent et refuseront que la Tunisie ait un régime politique démocratique, ils prônent une législation basée sur la Chariaâ islamique.

Qu'en est-il des procès annoncés tambour battant contre les symboles du régime de Ben Ali?
Le procès de tout le système de Ben Ali et ses acolytes est nécessaire, mais ce n'est pas ce procès-là qui a démarré le 20 juin dernier. Donc, il convient de dire sans risque de se tromper que tous les procès qui se sont déroulés jusqu'ici, à commencer par celui de Ben Ali et son épouse, constituent un défilé de carnaval. Pour moi et aux yeux des Tunisiens avertis, ces procès ne représentent que des pièces théâtrales, où les rôles et les acteurs sont choisis et déterminés au préalable. C'est dire, à l'évidence, que cette justice expéditive rappelle, encore une fois de plus, que l'appareil judiciaire de Ben Ali n'a connu aucun assainissement. Néanmoins, les Tunisiens ne sont pas dupes. Ils ne se satisfont pas de ce procès expéditif et savent que justice n'a pas été rendue.

Quelle lecture faites-vous de l'ascension du Conseil national de transition (CNT) en Libye?
Je dirais que la crise libyenne n'a fait que commencer. Car, crier victoire de la démocratie sous le drapeau de l'Otan, qui a détruit toutes les infrastructures de base de la Libye, cela renseigne sur un dessein programmé et arrêté au préalable par les forces impérialistes en complicité avec des mains libyennes. En Libye, nous assistons, de mon point de vue, à la mise en oeuvre d'un processus d'irakisation de la Libye et non de la démocratisation de la Libye comme le prétendent les puissances impérialistes qui sont attirées rien que par les richesses libyennes. Et cela est possible surtout par la position du CNT représentant plus l'Otan que le peuple libyen.

Donc, pour vous le CNT oeuvre pour les intérêts de l'Otan et des puissances impérialistes!
En effet, il n'y a pas de doute là-dessus. Le CNT est composé de supplétifs de l'Otan, et de la France, qui sont en train de redessiner la nouvelle carte géographique de la région.

Comment qualifiez-vous la position algérienne à l'égard du CNT?
La position algérienne est salutaire. Voire, elle est claire et précise. L'Algérie sait bien et pèse parfaitement les retombées de la crise libyenne, pilotée par l'Otan et Sarkozy. C'est une position qui est, à mon sens, la plus logique et intelligente. Aujourd'hui, tout le monde, la France comprise, manifeste ses craintes des dangers, qui peuvent découler de cette crise ouvrant les voies à la circulation de toute sorte d'armes, menaçant la sécurité de la région.

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